Qui ose vaincra
l’armée du Troisième Reich. Alors il raconte l’assassinat de ses compagnons par les impitoyables gamins.
Les deux officiers allemands donnent l’impression d’être sincèrement révoltés et contrits par le récit. Ils se raccrochent à l’invraisemblance éclatante qu’il comporte, espérant que le prisonnier s’est lancé dans une démonstration de mythomanie.
« Vous prétendez avoir été fusillé à bout portant par six soldats ? Quel que soit leur âge, je ne vois pas comment ils ont pu placer une balle dans votre épaule, une seconde dans votre cuisse, et surtout une troisième dans votre cheville. Lorsqu’on exécute un homme, on ne lui tire pas dans les pieds.
— J’ai été blessé pendant le combat, avant l’exécution, précise Neuwirth.
— Ça n’explique rien. »
Alors seulement Neuwirth réalise qu’il n’a pas pensé un seul instant à l’incompréhensible miracle de sa survie. Il songe à la douleur provoquée par l’impact qui l’a déséquilibré, il porte la main à son cœur, constate les trois trous dans sa vareuse. Il ouvre sa poche poitrine, en extrait son portefeuille. Sur l’un des côtés, le cuir en est déchiqueté, et une poignée de pièces anglaises se répandent sur le tapis.
L’un des officiers se précipite et, à quatre pattes, ramasse la monnaie qu’il examine attentivement. Surtout une grosse et épaisse pièce d’Half a crown qu’une balle a littéralement pliée. Sur la plupart des autres pièces, des traces sont également évidentes.
Les trois hommes adoptent la même attitude de stupeur devant ce fabuleux coup du destin. Et comme une lueur qui lui frappe l’esprit, Neuwirth revoit à l’embarquement « Crâne d’Obus » tendant son béret : « Laissez votre monnaie, les gars !
Vous n’avez rien à en foutre, vous allez tous crever. »
Le cognac lui tourne la tête. Ses idées s’embrouillent, tout devient flou, il revoit encore Crâne d’Obus.
« Il t’a même pas laissé un petit penny, Pattus… Tu l’as payé cher ton billet pour l’enfer… »
La voix de Crâne d’Obus se transforme en un bourdonnement sourd, Neuwirth s’évanouit.
Lorsqu’il revient à lui, il se trouve dans une cave, allongé sur un lit de camp. Un médecin-major allemand nettoie ses blessures. Les deux officiers se tiennent debout près du lit ; le plus âgé explique, dès qu’il constate que le prisonnier est revenu à lui :
« Nous sommes officiers d’administration, et nous déplorons l’entorse aux conventions dont se sont rendus coupables les élèves de l’école parachutiste. Je n’ai aucun pouvoir pour décider de votre sort, mais j’ai téléphoné à la Kommandantur de Meppel, au colonel knegsel qui la commande. Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est un officier d’aviation, un des as de la Luftwaffe. Les séquelles de blessures reçues lorsque son appareil a été abattu sur le front de l’Est lui interdisent de voler à nouveau, alors on l’a casé là. Je lui ai raconté toute votre histoire et il m’a affirmé que vous serez acheminé dans les meilleures conditions possibles vers un camp de prisonniers en Allemagne. Il vous demande, en échange, de ne pas ébruiter les circonstances de l’exécution sommaire de vos camarades. Vous êtes resté sans connaissance trois heures. Nous avons retrouvé leurs corps, ils seront inhumés décemment. Le colonel Knegsel est le fils d’un de mes camarades de promotion : j’ai en lui toute confiance, je le connais depuis sa naissance. »
Neuwirth cherche à comprendre, dévisage, intrigué, son interlocuteur qui n’a sûrement pas plus de cinquante ans.
« Ne cherchez pas, reprend l’Allemand. Chez nos aviateurs les promotions sont rapides, le colonel Knegsel est âgé de vingt-quatre ans.
— Vous avez de la chance d’être en vie, interrompt le médecin qui s’affaire maintenant sur la blessure de la cuisse, mais vous avez surtout de la chance d’avoir conservé votre virilité. »
Les trois Allemands éclatent de rire, Neuwirth esquisse un sourire.
« Bon, reprend l’officier d’administration. Une voiture va vous conduire à Meppel. Ah ! j’oubliais, j’aimerais que vous me fassiez un cadeau. »
Neuwirth répond d’un regard étonné. L’Allemand extrait de sa poche la pièce d’une demi-couronne pliée par la balle :
« Porte-bonheur, explique-t-il.
À partir de maintenant, je crains d’en avoir davantage besoin que vous.
— D’accord, prenez-la
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