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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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aucune précision concrète sur les lieux de
    concentration des forces ennemies. Les S.A.S. sont en plein bricolage artisanal
    et la chance va jouer à 90 %. L’objectif essentiel de leur mission est de
    renseigner Londres par radio afin que les sauts ultérieurs de leurs compagnons
    s’effectuent avec une marge croissante de sécurité.
    « Nous arrivons sur
    le littoral nord du Finistère, your home, fellows… »
    Le convoyeur anglais a
    dû hurler pour se faire entendre de tous. Les parachutistes répondent par des
    sourires crispés, échangent des regards. Le mélange d’anxiété et d’exaltation
    qui les étreint depuis le décollage est ancré sur leurs visages. Ils vivent la
    plus belle nuit de leur vie, mais n’ignorent pas que c’est peut-être celle de
    leur mort.
    Du fond de l’appareil, le
    sergent-chef Raufast s’est levé ; Gêné par son harnachement et par l’instabilité
    de l’avion, il s’approche maladroitement de Marienne. Le lieutenant est assis, le
    menton à hauteur des genoux. Il dévisage Raufast qui se tient debout devant lui,
    se retenant de la main gauche au câble central. Le sergent a l’air tellement
    ému que Marienne se demande ce qui peut bien lui arriver. Raufast sort de la
    poche de sa veste un étui à cigarettes en argent ; il articule péniblement :
    « Mon lieutenant… »
    Il avait prévu d’en dire
    davantage, mais il n’y parvient pas. Du reste c’est inutile. Les hommes de Marienne
    ont tous le regard fixé sur le chef. Marienne sourit, ouvre l’étui. Il reste
    six Players. Le lieutenant en extrait une, l’allume à l’aide de son
    zippo, puis il sort de sa poche un paquet entamé et, soigneusement, dispose les
    cigarettes dans l’étui.
    Cet étui à cigarettes en
    argent avait été offert au lieutenant Marienne par ses hommes à l’occasion du record
    mondial de vitesse pour le saut groupé en parachute qu’ensemble ils avaient ravi
    aux Américains un an auparavant. L’étui porte, gravées, les signatures des
    participants. Quelques mois plus tard, à la suite d’un refus collectif d’obéissance
    de la compagnie harassée par l’entraînement, Marienne avait rendu le cadeau, en
    déclarant :
    « Puisqu’il en est
    ainsi, les rapports que nous aurons dorénavant ne me permettent pas de
    conserver ce gage de notre amitié. À partir d’aujourd’hui, considérez-moi comme
    votre chef, un point c’est tout. »
    Aujourd’hui, quelques
    instants avant la grande aventure du Jour J 1, le geste de Raufast, délégué
    par tous, l’acceptation de Marienne, qui sans hésitation venait d’empocher l’étui,
    remettaient leurs rapports à leur place.
     

13
    D’un bond léger, le
    chaton saute sur les cuisses d’Aloïs. Le gros Allemand dort, inconfortablement
    assis sur une chaise de bois. Le chaton gratte la tunique de l’obèse, grimpe
    sur son épaule, miaule, frotte son front contre le cou gras. Aloïs se réveille.
    Instinctivement, il se retourne vers les deux lits de camp sur lesquels ronflent
    Meiners et Frammler. Il est rassuré : les deux hommes ne se sont pas
    aperçus qu’il s’était encore endormi pendant son tour de garde. Aloïs consulte
    sa montre gousset : 23 h 25. Pesamment il se lève ; à l’aide
    de sa lampe de poche il cherche la bouteille de calvados, il ne reste que deux
    doigts d’alcool jaunâtre dans le fond. Aloïs les engloutit. Ça fera un litre
    depuis 6 heures du soir, c’est plutôt moins que d’habitude. Il se rend au
    placard, en extrait une seconde bouteille qu’il dispose près de la chaise. Ensuite
    il verse un peu de lait dans un quart militaire qu’il va poser dans le coin du
    chaton.
    Aloïs a découvert le
    calvados à son arrivée en Bretagne, neuf mois auparavant lorsque, de retour du
    front russe, il fut versé dans un des deux bataillons spéciaux de la Wehrmacht
    constitués de déficients physiques, principalement d’ulcéreux de l’estomac (le
    cas d’Aloïs) et de malades des oreilles (le cas de Meiners et Frammier qui sont
    sourds à 80 p. 100). Les trois hommes sont affectés à l’observatoire de
    Plumelec qui n’est en fait qu’un vieux moulin hors d’usage, situé sur un
    mamelon qui domine le petit village breton. Leur mission : observer et
    rendre compte. Depuis près d’un an ils n’ont rien observé, ils n’ont rendu
    compte de rien.
    Ce sont trois braves
    types, et les villageois et les paysans les ont presque adoptés. Ils
    plaisantent volontiers avec eux,

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