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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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leur fournissent la gnôle, un peu de lait et
    quelques œufs qu’ils troquent contre du sucre, du chocolat et du tabac.
    Aloïs se rassoit à son
    poste, essuie ses jumelles à l’aide d’un mouchoir crasseux. Sans enthousiasme, il
    observe le panorama inondé par le clair de lune, puis il laisse reposer ses
    jumelles sur sa panse, saisit la nouvelle bouteille et ingurgite une rasade. De
    nouveau il s’assoupit.
    Le bourdonnement
    régulier de l’avion qui s’approche volant très bas ne le sort pas de sa torpeur.
    Il est sur le point de s’endormir lourdement lorsqu’il sursaute. C’est la
    cassure dans le rythme des moteurs qui lui rend instantanément tous ses esprits.
    Il a l’impression que les moteurs ont brusquement stoppé, puis il réalise qu’ils
    tournent toujours, mais à une cadence très lente. Aloïs n’y comprend rien ;
    il sort, dévore le ciel des yeux, cherche à apercevoir l’appareil, n’y parvient
    pas. Il baisse son regard. Alors il pense qu’il rêve. À peine à quelques
    centaines de mètres de lui, les corolles géantes de sept parachutes se balancent
    mollement dans la nuit. Aloïs ne les compte pas, il est persuadé qu’il en a vu
    une centaine ; il se précipite à l’intérieur du moulin, secoue ses
    compagnons, hurle :
    « Les parachutistes !
    Des centaines ! Peut-être des milliers ! C’est l’invasion ! Réveillez-vous,
    c’est l’invasion ! »
    Frammler et Meiners ont
    le réveil ardu. Ils ne comprennent rien aux vociférations exaltées d’Aloïs. Eux
    aussi se sont endormis abrutis par l’alcool ; ils font le même geste, celui
    de fixer à leurs oreilles les amplificateurs individuels à piles grâce auxquels
    ils parviennent à percevoir les sons presque normalement.
    « Calme-toi, Aloïs,
    qu’est-ce que tu racontes ?
    — Les parachutistes !
    Tout près de nous ! Je les ai vus tomber ! Des milliers. C’est l’invasion. »
    Frammler se lève, enfile
    un pantalon aux larges bretelles, passe l’inspection des bouteilles de calvados,
    constate la quantité d’alcool absorbée par Aloïs et lance dans un rire énorme :
    « Schnaps !
    Fallschirm
     
    — Jaeger !
    Calvados !
    Paratroop. »
    Le rire de Frammler fait
    écho ; assis sur son lit, en caleçon, Meiners se tape sur la cuisse en
    répétant bêtement « Schnaps ! Fallschirm-Jaeger ! Calvados !
    Paratroop ! »
    Aloïs saisit Frammler
    par le bras, le tire à l’extérieur sur le seuil de la porte. La nuit est fluide,
    sereine, claire. Une légère brise souffle de la mer, mêlant le parfum iodé du
    large à celui dégagé par l’humus de la lande. Le silence est absolu, il n’y a
    pas le moindre mouvement suspect. Aloïs lui-même semble sidéré par le calme ;
    pourtant il est sûr de ne pas avoir été la victime d’une hallucination.
    Frammler rentre
    tranquillement, se saisit de la bouteille de calvados, la range dans le placard
    qu’il ferme à clé. Il glisse la clé sous l’oreiller de son lit de camp et s’allonge,
    indifférent.
    Aloïs fulmine. Rageusement,
    il tourne la manivelle du téléphone de campagne et décroche l’appareil.
    « Tu fais une
    connerie, Aloïs ! lui lance Frammler.
    Si on découvre que tu te
    soûles la gueule pendant la garde, on va te muter et ne compte pas sur nous
    pour te soutenir. On t’aura prévenu. »
    À moins de deux
    kilomètres, au camp provisoire des « Cosaques », la sentinelle ne
    comprend rien au flot guttural de sons précipités qui fait résonner l’écouteur.
    Malgré son uniforme, l’homme ne parle pas un seul mot d’allemand. Il éprouve
    suffisamment de difficultés à s’exprimer dans sa langue natale, le russe. Pourtant
    d’après le ton angoissé, l’insistance brutale d’Aloïs, la sentinelle décide de
    prendre la responsabilité d’aviser le lieutenant.
    Le sous-lieutenant
    Hermann Hass a le réveil agressif. Du plat de la main, il a violemment repoussé
    le Russe qui agitait son épaule. L’homme a failli tomber. Il a reculé de trois
    mètres sans s’émouvoir du geste de l’officier. Il fait des signes grotesques de
    la main, fait comprendre qu’il s’agit du téléphone. Hass se lève – en
    campagne il dort toujours habillé – et sort de la tente. En passant il crache
    au pied du Russe.
    Hass hait et méprise la
    troupe dont on lui a confié le commandement. Il fait partie de la 343 e division d’infanterie dépendant du 25 e corps d’armée. La division a
    fourni une trentaine d’officiers qui ont

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