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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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sortent de la ferme. Marienne se précipite sur ses jumelles : « Ce sont des Boches ! »
    Les soldats sont visiblement ivres, ils titubent dans la boue. Deux d’entre eux portent une bonbonne, les quatre autres sont chargés de victuailles diverses. En parlant bruyamment, grassement, ils disposent leur butin dans les sacs en toile qui pendent sur la croupe des chevaux. Un soldat pisse, un autre se dirige d’un pas incertain vers l’étable dans laquelle il pénètre. De l’intérieur parvient un bruit de course mêlé de rires et de cris de cochons affolés. Le second soldat se dirige vers l’étable à son tour ; d’une main il dégaine le poignard sanglé sur son flanc, de l’autre il reboutonne sa braguette.
    De l’étable monte le hurlement caractéristique du porc que l’on égorge. Les deux hommes réapparaissent.
    Chacun d’eux tient par une patte arrière un cochon de lait qui gesticule encore.
    Le sang se répand par flots de la gorge tranchée de l’animal, macule les bottes des soldats avant d’imprégner le sol boueux. Encore vivant, le cochon disparaît dans un sac. Avec une agilité surprenante, les six soldats enfourchent alors leurs chevaux, qu’ils montent sans selle et sans étriers. Enfin, au petit trot, les pillards s’éloignent.
    Les parachutistes français sont médusés.
    « Ce n’est pas l’idée que je me faisais de l’armée nazie, constate Krysik.
    — C’est curieux, en effet approuve Marienne. Pas le pillage, mais les chevaux et les cavaliers. »
    Une nouvelle heure passe encore. Les trois parachutistes attendent et observent. Tout semble redevenu normal. Ils ne constatent que les mouvements d’une famille de paysans dans une ferme qui s’éveille.
    « Il faut y aller, décide Marienne.
    — Tous les trois, mon lieutenant ?
    — J’y vais seul.
    — Si vous permettez, mon lieutenant, c’est moi qui irai.
    — J’ai dit que j’y allais, Raufast, tranche Marienne sèchement. Tous les deux, vous me couvrez, en cas de pépin. En cas de coup dur, vous foutez le camp.
    — Mon lieutenant, cette nuit nous nous sommes efforcés de suivre les consignes. Nous devons continuer. Vous savez que ce n’est pas à vous de prendre ce risque. »
    Marienne est cueilli à froid. Il approuve d’un mouvement de tête, pose sa main sur l’épaule de Raufast en signe d’assentiment.
    Raufast a laissé son sac.
    Il a armé son Colt, levé le cran de sûreté, mais il laisse pendre l’arme au bout de son bras. Il ne veut montrer aucun signe d’agressivité, il marche d’un pas lent, fait des efforts pour demeurer calme, donner une impression de nonchalance.
    En l’apercevant, la fermière est restée figée sur place. Deux hommes la rejoignent sur le pas de la porte. L’un est vieux, l’autre tout juste un adolescent. À deux mètres, Raufast s’arrête :
    « Y a-t-il encore des Allemands ? questionne-t-il d’une voix brisée par l’émotion.
    — Nous sommes seuls », répond l’homme âgé.
    Raufast respire ostensiblement.
    Il désarme son pistolet et le rengaine. Les Bretons le dévisagent, ahuris, observent cet uniforme inconnu, ils n’osent pas croire…
    « Vous êtes français ? interroge prudemment le vieux.
    — Oui, monsieur. »
    Le vieillard hésite. Raufast comprend qu’il n’ose pas demander : « Vous venez d’Angleterre ? »
    ou « Quelle sorte de Français êtes-vous ? » Pourtant il faut que l’un ou l’autre prenne le risque d’abattre ses cartes. Le vieux lui tend la perche.
    « Un vrai Français ? »
    Raufast se détend. Il sourit.
    « Je pense, et j’espère, monsieur. J’arrive d’Angleterre.
    — Un parachutiste, alors !
    marmonne le vieux. Un parachutiste ! »
    Il s’avance d’un pas usé ; ses deux mains calleuses serrent la main et le poignet de Raufast. Il hésite puis il embrasse le soldat. Sans honte, il laisse de lourdes larmes glisser entre les poils gris qui couvrent ses joues mal rasées.
    « Entrez, lance la fermière, entrez vite, vous devez mourir de faim. »
    Raufast pense à sa mère.
    Brusquement il comprend qu’il est en France et qu’il est le bienvenu. Il se laisse diriger vers une grande table ; il est étreint, bouleversé par cette ambiance. D’une trappe dans le sol, la fermière et son fils extraient du pâté, une motte de beurre, une boule de pain, une bouteille de cidre et, tout naturellement, Raufast casse la croûte. Une minute plus tôt, la seule idée de manger lui aurait soulevé le cœur et, maintenant, il

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