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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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savoure avec délice les mets simples dont il avait oublié la saveur depuis quatre ans.
    Timidement, un peu honteux de troubler le festin de son hôte, le vieux interroge : « Vous êtes seul ? »
    Raufast se lève comme s’il sortait d’un rêve.
    « Nom de Dieu !
    Le lieutenant ! Il est caché sur la hauteur avec un autre. Je n’y pensais plus. Je vais les chercher.
    — Laissez. Mon petit-fils les trouvera bien et c’est plus prudent. »
    Quelques minutes plus tard, précédés du gamin, Marienne et Krysik entrent dans la pièce. Ils sont happés par la fermière et le vieux, contraints de manger et de boire. Alors seulement Marienne peut questionner :
    « Pouvez-vous me situer votre ferme sur la carte, monsieur ? Je crains que nous ne nous soyons égarés.
    — Vous êtes à la petite métairie de Saint-Jean-Brevelay, explique le Breton. Ici », précise-t-il d’un doigt noueux sur la carte que Marienne a dépliée.
    Marienne comprend, situe l’erreur de largage, constate le chemin qu’ils ont parcouru dans la nuit.
    « Les Allemands que nous avons vus ce matin ne risquent-ils pas de revenir ?
    — Ce ne sont pas des Allemands, explique le fermier, ce sont des Russes, l’armée Vlassov qu’ils s’appellent. Des bandits, mais on les voit rarement deux fois le même jour. Vous pouvez rester ici, on vous cachera le temps qu’il faudra.
    — Je vous remercie, mais nous ne pouvons rester. Je dois tenter une jonction avec un autre groupe.
    — Vous n’allez pas partir sans guide, vous vous perdrez, mon gars, je vais vous accompagner. »
    Pour la première fois, la fermière intervient.
    « Avec tes pauvres jambes, le père, tu penses aller courir la campagne ! C’est Eugène que ça regarde, tu le sais bien. »
    Amèrement, le vieux semble réaliser son âge.
    « Dame, Eugène, bien sûr, c’est Eugène que ça regarde, ânonne-t-il tristement.
    — Eugène ? questionne Marienne intéressé.
    — C’est le fils Maurizur, explique la fermière. Il fait sauter les trains, il fait le résistant.
    — Il faut trouver Eugène, approuve le lieutenant.
    — Yves, tu vas prendre ton vélo, va à Plumelec. Si Eugène n’est pas là, il est aux champs, ou alors au café à Plumelec. Dis-lui que je veux le voir tout de suite, mais dis rien d’autre, parle surtout pas des soldats français, c’est compris ? »
    Le gamin se précipite. Il a conscience d’accomplir la première grande chose de sa vie.
    Eugène Maurizur n’est âgé que de vingt-deux ans, mais son tempérament fougueux et exalté l’a, tout naturellement, porté vers la Résistance. Il se dégage de lui une chaleur communicative et une bonne humeur constante. Dans le pays on dit volontiers que c’est une grande gueule ; dans la Résistance, ses chefs trouvent qu’il parle trop, plusieurs fois il a été question de l’exclure. Seulement, sur le terrain, le jeune patriote fait preuve d’un sang-froid insolent, d’un courage aveugle qui enthousiasme les hommes qui l’accompagnent. En outre, si aucun Français n’ignore son appartenance à l’armée clandestine, les Allemands qu’il côtoie et avec qui il plaisante volontiers le tiennent pour un pitre inoffensif.
    Le jeune Yves ne trouve Eugène Maurizur ni chez lui ni aux champs. Par cette matinée pluvieuse du 6
    juin 1944, le résistant était effectivement au bistrot de Plumelec. Six tables, un zinc, une arrière-salle qui fait cuisine, le café de Plumelec ressemble à tous les cafés de village de France.
    Ce matin, ils sont une vingtaine d’hommes imprudemment rassemblés malgré l’heure matinale (il n’est pas 10 heures). Comme d’habitude, Eugène alimente la conversation. Il tente de communiquer sa passion à un auditoire qui reste tiède.
    « Puisque je vous dis que je l’ai entendu il n’y a pas vingt minutes ! Des centaines de bateaux, des milliers d’avions, une armée entière ! Ils seront là demain, vous serez bien obligés de le croire !
    — T’excite pas, Eugène, réplique un paysan en bourrant sa pipe d’un vague mélange d’herbe et de tabac. On demande qu’à te croire, mais j’ai encore entendu Radio-Paris à 9 heures. Ils en ont même pas causé. Si c’était vrai faudrait bien qu’ils s’expliquent. »
    Maurizur hausse les épaules, excédé. Il se retourne vers le patron.
    « Allez, de toute façon, c’est moi qui paie. Sors-le ton Champagne ! »
    Le bistrot refuse d’un signe de tête.
    « Pas question, Eugène !
    Le Champagne, je le sortirai

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