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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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il tourne les pages. Le binocle du major Smith est posé bien droit
    sur son arête nasale.
    Bourgoin sourit. Marienne
    rit carrément. Le Manchot jette un regard circulaire et déclare gaiement :
    « Je ne vois pas où
    sont cachées les caméras ? » Smith détache précautionneusement son
    lorgnon qu’il pince délicatement entre son pouce et son index afin d’éviter de
    le mouiller :
    « Commandant !
    Ravi de votre visite et de votre réflexion. Votre humour s’améliore. Ça me
    rassure : on ne peut pas gagner une guerre si on la fait sans humour. C’est
    déjà tellement triste une guerre dans son principe. Si, en outre, on la prend
    au sérieux, ça devient très ennuyeux, odieux même. »
    Le major anglais s’exprime
    en français sans la moindre faute de grammaire ou de syntaxe. Il trouve les
    mots justes sans le moindre effort ; mais il conserve un accent tellement
    prononcé qu’on se demande s’il ne le cultive pas pour parfaire son personnage.
    « Vous avez sans
    doute raison, dans un sens, réplique le Manchot, mais au risque de vous
    paraître un rabat-joie, j’aimerais vous entretenir de questions qui vous
    sembleront austères, je le crains, mais qu’hélas ! nous devons débattre.
    — Parfait, commandant,
    parfait. »
    S’adressant au jeune F.F.I.
    qui savonnait ses épaules, il ajoute :
    « Marcel, rendez-moi
    le service d’aller voir s’ils ont fini de détacher et de repasser mon pantalon.
    — Ah ! parce
    que vous avez aussi un pressing ? remarque Bourgoin.
    — Oui, oui, commandant.
    Bien sûr, votre camp est sympathique, il y règne une atmosphère joviale, mais
    hélas ! il est horriblement salissant. »
    Lorsque Smith rejoint la
    ferme, il a l’allure d’une affiche vantant les mérites de l’armée. Bourgoin
    remarque la perfection du pli de son pantalon.
    « Asseyez-vous, Smith,
    j’aimerais bavarder un instant seul à seul avec vous.
    — Je vous écoute, mon
    commandant.
    — Non, c’est moi
    qui vais vous écouter. Depuis votre arrivée, vous ne m’avez pas fait part de
    votre opinion. Or, il faut que je compare votre optique à la mienne. Je ne
    prétends pas être infaillible. »
    Smith conserve un long
    silence pensif avant de répondre :
    « Avant tout, sachez
    que si j’avais été à votre place, j’aurais agi exactement de la même façon que
    vous. Si j’avais été à celle de Marienne, exactement de la même façon que lui. Aujourd’hui,
    je constaterai que je suis dans un tragique bourbier : mais je ne
    regretterai rien et ma conscience me laissera en paix. Ce sont les événements
    qui vous ont imposé ce gigantesque rassemblement. Il aurait été vain de chercher
    à contenir un raz de marée aussi enthousiaste. Même Marienne, avec les quatre
    jours d’avance qu’il avait sur vous, n’aurait pu l’endiguer. En ce qui vous
    concerne, la question ne peut se poser. Vous vous êtes trouvé devant le fait
    accompli.
    — Ne dites pas ça. Je
    commande ce régiment, il ne saurait y avoir d’autres responsables, mais
    voyez-vous une issue ?
    — Aucune. Renvoyer
    ces hommes équivaudrait à les vouer à une mort certaine, et il est très
    vraisemblable que c’est ce qu’attendent les Allemands. Ils pensent que, tôt ou
    tard, vous céderez à la panique et ordonnerez la dispersion. Ils nous attendent
    au coin du bois.
    — Je partage, hélas !
    votre point de vue.
    — La seule solution
    consiste à armer et instruire ces jeunes lions. Suppléer à leur inexpérience par
    la fougue qui les habite, pallier leur indiscipline par leur bonne volonté. On
    ne peut pas forger des soldats en quelques jours, mais on peut faire des
    combattants. Je crains que ça ne minimise pas la casse, mais au moins elle sera
    réciproque. Reste évidemment l’hypothèse d’un second débarquement en Bretagne
    qui décongestionnerait notre position. Là-dessus vous devez en savoir plus que
    moi.
    — Hélas ! oui.
    On ne me l’a pas dit ouvertement, mais je suis persuadé que notre mission est
    un bluff colossal destiné à empêcher l’ennemi de dégager la Bretagne.
    — Alors, le seul
    espoir réside dans la force alliée de Normandie. Peut-être parviendra-t-elle
    jusqu’à nous avant que les Allemands ne se décident à nous attaquer.
    — À rejeter
    également. Les Alliés progressent et doivent progresser est-sud-est et passer
    bien au-dessus de nous. »
    Smith hoche la tête
    tristement.
    « Je vois. L’éternelle
    histoire de l’unité sacrifiée…
    —

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