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Qui ose vaincra

Qui ose vaincra

Titel: Qui ose vaincra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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donner une contenance. Zeller lance
    un « Messieurs, bonsoir » qu’il veut jovial, mais ne reçoit en
    réponse que de vagues raclures de gorge. Les buveurs détournent les yeux, sirotent
    leurs verres par petites gorgées. Zeller n’est pas étonné de la réaction qu’il
    suscite. Il réclame :
    « Patron, vous me
    donnerez un coup de gnôle. Malgré l’été, les nuits sont fraîches chez vous.
    — Dame, pour sûr, marmonne
    le bistrot, en servant l’alcool jaunâtre dans un verre minuscule.
    — Et remettez ça à
    ces messieurs, ajoute Zeller souriant, c’est ma tournée.
    — On allait rentrer,
    réplique Léon, un grand costaud d’une quarantaine d’années, en posant son verre
    vide.
    — Allons, insiste
    aimablement Zeller, je sais bien que je ne suis pas du pays, mais je suis
    français comme vous. Dans les jours que nous traversons, nous n’allons tout de
    même pas nous méfier les uns des autres.
    — Il a raison, interrompt
    Auguste qui semble plus jeune. Remets-moi donc un coup de rouge, Louis. »
    Léon cède, commande
    lui-même une boisson en haussant les épaules ; les deux autres l’imitent. Zeller
    lève son dé à coudre et ajoute :
    « Je bois à l’avance
    alliée. Avant un mois les Américains seront à Paris. »
    Les quatre hommes vident
    leurs verres en silence.
    « Mes prophéties n’ont
    pas l’air de vous faire plaisir, poursuit Zeller. Vous ne me donnez pourtant
    pas l’impression d’être de ces salopards qui profitent de l’occupation.
    — Ça me ferait mal,
    lance Auguste, en crachant à ses pieds. Remets-nous ça, Louis, on va boire à la
    libération de la Bretagne. »
    De lourds regards de
    désapprobation tombent sur le jeune garçon, mais ses compagnons ne laissent pas
    néanmoins leurs verres vides.
    Une nouvelle tournée
    suit la précédente, puis une autre, enfin celle du patron. Sans brusquer les
    choses, Zeller établit habilement un climat de confiance, joue de son charme et
    de sa culture, puis se décide à abattre ses cartes.
    « Je suis le
    commandant Henry, agent de liaison des Forces françaises de l’Intérieur pour la
    zone Ouest. J’ai d’importants messages de Londres à transmettre au colonel Bourgoin
    ou à défaut au lieutenant Marienne. Peut-être pourriez-vous m’aider à les
    rencontrer ? Je sais qu’ils sont quelque part dans la région. »
    En parlant, Zeller a
    sorti de sa poche une carte d’identité parfaitement truquée qu’il a tendue aux
    quatre gaillards, leur laissant le soin de la lire à loisir. Le grand Léon
    prend ses compagnons de vitesse et répond :
    « On est fier de
    vous connaître, commandant, mais malheureusement on peut rien pour vous. C’est
    la première fois qu’on entend ces noms-là. On cause bien de parachutistes dans
    le coin, mais pour notre part, on n’en a jamais vu. Pas vrai, les gars ?
    — Pour sûr », mentent
    en chœur les trois autres.
    Zeller éclate de rire.
    « Je vous félicite.
    Vous êtes prudents et vous avez raison, mais je pense avoir un argument qui va
    vous convaincre. Attendez-moi deux minutes, buvez un coup, c’est pour moi. »
    Un bref instant plus
    tard, Zeller réapparaît, suivi de Munoz dans son uniforme de lieutenant S.A.S.
    « Voici le
    lieutenant Caro, présente-t-il. Il a été parachuté la nuit dernière dans la
    région de Rennes. Il a rempli sa mission et doit maintenant rejoindre les siens. »
    Le pseudo-parachutiste
    serre les mains des cinq Bretons qui sont instantanément bernés à la vue de l’uniforme
    qu’ils connaissent parfaitement. Aucun doute ne subsiste dans leur esprit, et c’est
    Léon, le plus méfiant, qui, le premier, fait amende honorable.
    « Faut nous
    comprendre, mon commandant. On nous a dit que les Allemands avaient de fausses
    cartes de résistants ; les paras eux-mêmes nous recommandent de nous
    méfier de tout et de tous. »
    En souriant, Munoz prend
    Léon par les épaules et lance gaiement :
    « Dis donc, le
    commandant et moi, on a l’air d’Allemands, à ton avis ? »
    Tous éclatent de rire. Munoz
    commande une nouvelle tournée.
    « Si vous acceptez
    ma monnaie, ajoute-t-il. Je n’ai rien d’autre. »
    Il exhibe une liasse de
    billets de la Libération frappés en Angleterre.
    « Ça fait déjà un
    bout de temps que ça roule par là, ces billets », admet le bistrot en
    servant les verres.
    Sur un ton indifférent, s’adressant
    à Zeller, Munoz enchaîne :
    « Et le Manchot ?
    Ils nous conduisent ? »
    C’est

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