Qui ose vaincra
pour des
lavettes et nous risquons salement de nous faire rayer des effectifs de l’Abwehr.
Kôln et ses salopards deviendraient maîtres du renseignement en Bretagne. À
n'en pas douter, c’est ce qu’ils recherchent.
— Arrêtez d’énoncer
des évidences, tranche Herre, en actionnant le démarreur. Je sais tout ça aussi
bien que vous. C’est bon, allons-y. »
Deux kilomètres de la
ferme de Keruhel. 12 juillet, 1 heure du matin.
Herre a trouvé un abri
dans un chantier en retrait de la petite route. Il a décidé de se reposer deux
heures, puis dans celle qui suivait, de mettre au point un plan d’action. Enfin,
juste avant l’aube, les quatre hommes tenteraient de surprendre le camp des
parachutistes. Chacun d’eux possède un pistolet Parabellum 9 et une
mitraillette Sten de marque anglaise. En outre, dans le coffre de la voiture, ils
ont une caisse de grenades italiennes excessivement maniables et légères.
3 h 45. Malgré
la réticence et la frayeur évidente de Munoz, il a été décidé que celui-ci
prendrait place, dans son uniforme anglais, sur l’aile avant de la traction
dans le but de berner les hommes du poste de garde.
4 h 5. La
traction progresse à toute petite allure sur le sentier. Munoz est décomposé
par la panique. Il se tient d’une main au capot, de l’autre il malaxe son genou
droit. Il maintient son équilibre en calant les talons de ses bottes sur le
pare-chocs.
L’homme du poste de
garde est un F.F.I. Il a relevé quelques instants plus tôt le caporal Pacifici
de l’équipe Marienne. Le jour pointe timidement, mais de toute façon la nuit
est si claire que le patriote n’aurait pu ne pas distinguer l’uniforme.
Sans méfiance, il sort à
découvert sur le chemin. Il n’a aucune arme apparente, ce qui donne à Munoz la
force de se ressaisir et de prononcer avec un calme relatif :
« On cherche le
lieutenant Marienne. Tu peux nous conduire ?
— Je peux pas
bouger, je suis en faction, mon lieutenant. Mais demandez à la ferme, un gars
ira le prévenir.
— D’accord, merci.
— A vos ordres, mon
lieutenant. »
Le patriote n’a pour les
occupants de la voiture qu’un regard indifférent. L’équipage n’a rien d’insolite.
Il est devenu courant que des responsables civils de la Résistance soient
convoyés ou convoient un officier parachutiste. Herre stoppe la voiture devant
la cour de la ferme. Les trois Français en descendent et s’avancent prudemment
vers les bâtiments, tandis que l’Allemand effectue un demi-tour avant de les
rejoindre.
Zeller, qui des quatre
hommes est le plus téméraire, pénètre en tête dans la salle de ferme, suivi de
Munoz. Une douzaine d’hommes dorment à même le sol. Zeller se retourne vers les
siens. D’un œil rapide il constate qu’ils se placent habilement, prévenant
ainsi une réaction imprévue des résistants.
Zeller s’accroupit
auprès de l’un des dormeurs et le réveille précautionneusement. L’homme ouvre
péniblement les yeux ; ahuri, il dévisage sans inquiétude le nouveau venu
dont la physionomie est paisible et souriante.
« Je suis le
commandant Henry des Forces françaises de l’Intérieur de Rennes, murmure Zeller.
Nous avons des consignes de Londres à transmettre à Marienne. Tu vas aller le
prévenir. Inutile de réveiller les autres, ils vont avoir une dure journée. »
L’homme est maintenant
réveillé. Il porte un regard interrogateur sur Munoz qui acquiesce. Une fois
encore l’uniforme dupe parfaitement le résistant. Il se lève en silence, enfile
sans les lacer de lourds godillots et sort suivi des quatre traîtres.
« Ils sont sept
dans les tentes en contrebas, là, explique-t-il, mais je ne sais pas dans
laquelle est le lieutenant. Il change tout le temps.
— Réveille-les tous,
dis-leur de nous rejoindre, ordonne Zeller. Comme ça je n’aurai pas à me
répéter. »
Le F.F.I. descend
lourdement le champ humide et boueux.
« Passe devant moi,
chuchote Zeller à Munoz. Tiens-toi debout qu’ils puissent voir ton uniforme. »
Marienne apparaît. En
bouclant son ceinturon, il gravit le mamelon, suivi de cinq parachutistes. Un
peu en retrait, le sergent Judet met un genou à terre pour attacher les boucles
de ses bottes de saut. Le lieutenant Marienne et les cinq autres les avaient
conservées lacées pour dormir.
Marienne marche vers
Munoz. Lorsqu’il parvient à quelques mètres de lui, il découvre ses
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