Qui ose vaincra
trois
compagnons, et son instinct s’éveille. La manière dont les hommes de l’Abwehr
tiennent leurs mitraillettes armées, doigt sur la détente, les trahit. Marienne
se fige.
« Feu ! »
hurle Zeller.
Les quatre mitraillettes
crépitent. Marienne s’écroule, atteint d’une rafale en pleine poitrine. Le
lieutenant Martin qui se tenait à ses côtés est tué sur le coup d’une balle en
plein front. Mendes, Beaujean, Bléttrie et Marty sont grièvement blessés, ainsi
que le F.F.I. qui avait été les prévenir.
Les traîtres pivotent, font
un bond vers la salle de ferme, tenant en respect les résistants surpris en
plein sommeil par le fracas des armes.
À une dizaine de mètres
derrière Marienne, le sergent Judet s’est élancé. Il a roulé dans un fossé, puis
en zigzag il s’est mis à courir. Des quelques coups de feu qu’il a essuyés, aucun
ne l’a atteint. La poursuite n’est pas envisageable et Herre peste. Le
parachutiste risque d’aller chercher du renfort ; il faut faire vite.
Les douze F.F.I. survivants,
mains sur la nuque, sont tirés à l’extérieur. Zeller les fait coucher sur l’aire
à battre, à plat ventre, visage contre terre.
« On va vous
attacher les mains derrière le dos, a expliqué Zeller pour tromper leur
méfiance. Croisez vos poignets sur vos reins. »
Les malheureux s’exécutent.
Certains d’entre eux n’ont pas leur pantalon et sont pieds nus.
L’un après l’autre, les
quatre bourreaux ont remplacé les chargeurs de leurs armes. Sur un signe du capitaine
Herre, ils ouvrent le feu à bout portant sur les corps inertes. Des chapelets
de balles criblent les nuques des F.F.I.. Aucun d’entre eux n’a eu le temps de
tenter quoi que ce soit. Herre et Zeller distribuent ensuite d’ultimes coups de
revolver dans la tête des résistants. Munoz et Gross posent alors leurs armes
et, retournant les corps, les fouillent, pillant les portefeuilles, les papiers
personnels, les montres.
Lorsqu’ils rejoignent
leurs chefs, ils sont couverts de sang.
« Bon, filons en vitesse
maintenant, annonce calmement Zeller.
— Marienne et les
paras ? intervient Herre.
— Transportez-les
avec les autres. »
Le quatuor se dirige
vers le camp des parachutistes, Marienne vit encore. Il est traîné, mourant, sur
l’aire à battre, jeté à plat ventre auprès des suppliciés, Zeller lui tire un
chargeur entier derrière l’oreille. Les quatre hommes quittent alors la cour de
la ferme et s’engouffrent dans la voiture.
À quelques mètres du
drame, en surplomb, dissimulé sous un tas de foin, le jeune Flamant, benjamin
des parachutistes du groupe du lieutenant Marienne, a assisté, impuissant, à
toute la scène.
Il était allé pisser
lorsqu’il avait été surpris par la fusillade. Il n’avait pas d’arme sur lui, ne
pouvait rien tenter. Maintenant il est prostré, paralysé par une crise nerveuse ;
il tremble, pleure, claque des dents. Il fait sans y parvenir des efforts
surhumains pour bouger, pour fuir, pour s’éloigner du tragique charnier. En
vain. Ses yeux hallucinés ne peuvent se lever de la vision cauchemardesque, restent
braqués sur les corps de ses compagnons, sur la boue gluante qui s’imprègne de
leur sang.
Ils sont dix-huit, car
en cette aube du 12 juillet ont été également assassinés Danet, l’un des
fermiers, et les Gicquello, père et fils.
Le fils Danet, quatorze
ans, est parvenu à fuir à travers champ après avoir assisté au supplice de son
père.
À Josselin, au siège des
miliciens, Herre et Zeller savourent leur revanche. Ils sont conscients de l’amertume
de Kôln et de Di Constanzo. Ils savent que les félicitations qui leur sont prodiguées
sur un ton enthousiaste masquent la rage de n’avoir pas participé au massacre. Kôln
n’ignore pas que le rapport de Herre à la Gestapo ne sera pas tendre pour lui.
Souriant, Herre demande
sur un ton de politesse affectée :
« Vos hommes
pourraient-ils aller identifier les corps et joindre leur rapport au nôtre ?
Nous devons maintenant rejoindre Pontivy. »
Kôln acquiesce, hurle
des ordres, fait rassembler la compagnie.
Les soixante miliciens –
hélas ! tous Français – arrivent à Keruhel vers 8 heures du matin, constatent
le carnage, fouillent, brisent tout dans la ferme, s’apprêtent à l’incendier.
Alors, dans le réflexe d’un
homme, presque d’un enfant qui a perdu la raison, Flamant sort de sa
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