Raimond le Cathare
Roger ne doit pas compter sur un secours militaire. Pierre
estime que ses forces sont insuffisantes.
— Les Croisés sont trop forts,
croyez-moi ; tout à l’heure j’ai traversé leur camp. Vous ne pouvez les
vaincre. Vos remparts sont hauts, larges, solides. Pourtant réfléchissez :
la ville est encombrée de femmes et d’enfants. Combien de temps pourrez-vous
les nourrir ? Obstinez-vous encore et les vers nicheront bientôt dans vos
orbites ! Négociez, mon fils. Un accord honorable est votre seul espoir.
Trencavel s’incline.
— Votre père autrefois aima
beaucoup le mien. En souvenir de lui je m’en remets à vous.
Le roi sort alors de la ville pour
aller rencontrer les barons et le légat Arnaud Amaury le reçoit en ricanant.
— Pour vous faire plaisir, nous
acceptons qu’il vive. N’en demandez pas plus. Qu’il aille donc au diable avec
dix de ses hommes et laisse Carcassonne à notre discrétion.
Après le carnage de Béziers, Raimond
Roger Trencavel ne peut pas souscrire à cette démission Pierre le sait.
— Les ânes voleront avant qu’il
accepte une telle infamie ! S’indigne-t-il.
Il rapporte néanmoins à son vassal la
proposition du légat.
— J’aime mieux me donner la
mort ou me faite écorcher vif avec les miens ! Retournez sur vos terres et
laissez-moi combattre, répond Trencavel à Pierre d’Aragon.
Le roi, ulcéré par l’intransigeance
des Croisés, ému par le courage de Trencavel, retourne tête basse au camp
toulousain. Il me confie un message affectueux pour sa sœur Éléonore, mon
épouse.
Ses hommes se rassemblent et ils
repartent vers l’Aragon, laissant derrière eux Carcassonne, dont le destin est
désormais scellé.
La proie et le prédateur
Carcassonne, août 1209
Dès le lendemain, les forces
croisées se jettent à l’assaut du Castellar. L’offensive est repoussée sous un
déluge de pierres. Les assaillants dressent alors les machines de siège.
Mangonneaux et catapultes lancent leurs projectiles. Les artilleurs visent la
crête de l’enceinte, qui se délite sous les impacts des blocs de pierre. Les
merlons qui couronnent la muraille volent en éclats sous le choc des boulets.
Les Croises poussent une « chatte » qui vient se coller à l’enceinte.
Ce grand abri monté sur roues permet à l’assaillant de faire avancer des
sapeurs jusqu’au pied du rempart. L’armature et le toit sont solides pour
résister aux projectiles. Ils sont recouverts de peaux de bêtes fraîchement
écorchées pour les protéger des feux grégeois, des flèches enflammées et des
brandons que lancent les défenseurs.
À l’abri de la chatte, armés de
pioches et de barres de fer, les attaquants démantèlent les blocs formant la
base du mur. Ils creusent une galerie. Ils l’étayent avec des poutres de bois
imprégnées de poix et de matières inflammables. Ils allument alors un incendie.
Les étais brûlent puis, calcinés, se brisent, provoquant l’effondrement du mur
et l’ouverture d’une brèche béante. Les Croisés s’y ruent. Simon de Montfort,
l’épée au poing, pénètre le premier dans le Castellar. Ses deux excroissances
envahies, la Cité de Carcassonne est désormais encerclée de toutes parts.
Les Croisés peuvent poser les armes
et attendre. La chaleur, la soif, la peur et surtout l’absence d’espoir sont
leurs meilleurs alliés. À l’intérieur des murs, c’est l’enfer. L’eau est
épuisée. L’air est chargé d’odeurs infectes. Les carcasses des bêtes abattues
pourrissent au soleil. Des nuées de mouches bourdonnent autour des blessés. Les
maladies se propagent Dans un calvaire chaque jour plus éprouvant, la ville
entre en agonie.
Le 15 août après quatorze jours d’un
siège de fer sous un soleil de plomb, les Carcassonnais voient s’avancer vers
les portes de la ville une délégation conduite par deux chevaliers : le
comte d’Auxerre Pierre de Courtenay et son frère Robert, seigneur de
Champignelles, sont accompagnés d’une puissante escorte. Ils ont été choisis
par le légat en raison d’une parenté avec nos familles. Les ayant reconnus, Raimond
Roger Trencavel accepte de sortir de la Cité, entouré cependant d’une centaine
de chevaliers. Robert et Pierre de Courtenay s’adressent à lui sur un ton
bienveillant.
— Messire, nous sommes vos
parents. Nous voudrions arriver à un accord, car nous souhaitons votre bien et
celui des vôtres. Si vous étiez certain
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