Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Raimond le Cathare

Raimond le Cathare

Titel: Raimond le Cathare Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Dominique Baudis
Vom Netzwerk:
suis
pas jaloux de mon fils. Comment pourrais-je l’être ? Je suis l’auteur de
ses jours. Il s’est battu à mes côtés, il m’a sauvé la vie et nous avons sauvé
Toulouse. Sans le savoir, il m’a aidé à vivre dans l’ombre pesante de mes
ancêtres, dont la gloire éblouissante a éclairé ma jeunesse mais assombri mon
âge mûr lorsque, sur les champs de bataille où je manquais souvent de bravoure,
on me comparait à eux. Quand j’entends dire que Raimond le Jeune, mon fils, est
encore plus valeureux que notre aïeul Raimond de Saint-Gilles, c’est une
revanche sur mon destin : celui d’un pacifique précipité dans le pire des
affrontements.
    J’ai été un médiocre capitaine.
Comment faire autrement quand on n’aime pas la guerre ? Je l’ai en
horreur. Non pas, comme beaucoup de mes compagnons rassasiés de carnages, par
lassitude après tant de cruautés, mais par un refus instinctif de tout mon
être. Ceux qui ricanaient ou murmuraient à mes dépens ont cependant pu voir
qu’un piètre combattant vivant gagne la bataille, quand son ennemi meurt de ses
excès de bravoure.
     
    On m’a dit hésitant quant aux moyens
à utiliser et indécis sur les voies à emprunter. C’est vrai. Mais je ne l’étais
point sur le but à atteindre. Au milieu de tous les tumultes, face aux
interrogations politiques ou dans l’incertitude des batailles, ma seule pensée
fut pour Toulouse et pour mon peuple. Éviter la guerre tant que je l’ai cru
possible, résister tant que nous en avions la force, se libérer quoi qu’il en
coûte. J’ai finalement su choisir un chemin. J’ai sauvé ma ville et mon peuple.
Ils sont blessés, mais ils vivent. Et ils vivent libres.
    Je suis fier de ce que j’ai défendu
plus que de la façon dont je l’ai fait. Mais combattre maladroitement pour une
juste cause vaut mieux que d’être le redoutable soldat de l’injustice.
     
    *
* *
     
    Ce plaidoyer n’est pas destiné à mes
contemporains. J’enfermerai ce manuscrit dans une jarre, scellée d’un épais
cachet de cire. Cette nuit, j’irai moi-même l’enfouir en secret dans
l’épaisseur de la maçonnerie d’un pilier de la cathédrale Saint-Étienne. J’ai
financé son édification pour la plus grande gloire de Dieu au moment même où
son représentant sur terre fulminait contre moi ses anathèmes. Sa nef de brique
et de pierre se dresse plus haut que les remparts de la ville, hier encore
assiégée au nom du Christ. Excommunié, je n’ai même pas le droit d’y pénétrer.
    À l’insu de l’évêque Foulques, je
déposerai ce mémoire dans la maison de Dieu comme on lance une bouteille à la
mer en la confiant à la providence. La jarre et mon manuscrit vont dériver sur
l’océan des siècles. Peut-être un jour seront-ils découverts, comme s’ils
échouaient sur un rivage du futur. Je ne destine pas ces lignes aux hommes de
mon temps, car je veux écrire librement ma vérité. Je dois donc être certain
que ma confession ne pourra venir sous les yeux de quiconque, du vivant de mes
enfants et de leurs descendants. Je dois préserver le règne de mon fils,
Raimond le Jeune, et ne pas ajouter inutilement aux tourments qu’il affrontera,
comme tous ceux qui exercent le pouvoir en ces temps de folie. Je souhaite que
mon récit traverse les âges dans les flancs de la grande nef de la cathédrale
et qu’il ne soit lu que dans un avenir et un monde meilleurs.
    En ces temps-là, les hommes
seront-ils devenus raisonnables ? Auront-ils appris à ne plus s’entretuer dans
des guerres de religion, à ne plus confondre les affaires de l’État et celles
de l’Église, à respecter les croyances, les libertés et les usages des
autres ?
    Dieu seul le sait.
     
    FIN
     

REMERCIEMENTS
    Je remercie tout
particulièrement :
     
    — Amin Maalouf, qui m’a fait
l’honneur de préfacer ce livre.
    — Michel Roquebert, auteur de L’Épopée
cathare (Privat), qui m’a encouragé et conseillé tout au long de mon
travail.
    — Henri Gougaud, qui m’a
autorisé à reprendre des passages de sa traduction de La Chanson de la
Croisade albigeoise (Lettres gothiques, le Livre de Poche).
    — Les Archives et la
Bibliothèque municipales de la ville de Toulouse.
     
    Merci également à Christian
Bernadac, André Delpech, Emmanuel Hayman, Christian Laborde, pour leurs
conseils précieux et amicaux.
     

Weitere Kostenlose Bücher