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Remède pour un charlatan

Remède pour un charlatan

Titel: Remède pour un charlatan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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a réveillé ma goutte. Mon orteil est aussi rouge qu’une barrette de cardinal et presque aussi gros.
    Berenguer de Cruilles était assis à sa table de travail, le pied posé sur un tabouret, et il irradiait la mauvaise humeur.
    — Je doute que la chaleur en soit responsable, Votre Excellence. C’est plus probablement le bon vin et la bonne chère. Reconnaissez, monseigneur, que vous avez récemment consommé des mets riches et épicés.
    — Asseyez-vous, mon ami, asseyez-vous. Votre siège est à sa place habituelle. Et je ne puis surveiller les cuisiniers, ajouta l’évêque d’un air contrit. Dès septembre, ils pensent que je dois me préparer à affronter les rigueurs de l’hiver. Et comme résultat de leurs tendres soins, je puis à peine traverser cette pièce. Non, mon ami, taisez-vous. Je suis trop colérique en ce moment pour écouter qui que ce soit, fût-ce vous-même, me dire que je ne suis pas obligé de faire déborder mon assiette du contenu d’un plat savoureux sous prétexte qu’il est placé devant moi.
    Isaac secoua la tête avec amusement.
    — Il vous faut quelque chose qui rafraîchisse et purifie votre sang, Votre Excellence. Je laisserai des herbes avec des instructions pour préparer une infusion. Buvez-en trois fois par jour. J’ai également ici un remède spécifique pour la goutte.
    Il plongea la main dans le sac de cuir pendu à son épaule et en sortit un flacon de verre.
    — Mettez trois gouttes de ceci dans de l’eau et buvez chaque fois que les cloches de votre cathédrale appellent à la prière. Commencez dès à présent.
    — C’est facile.
    L’évêque versa de l’eau dans une coupe et y ajouta les gouttes.
    — C’est amer, fit-il en buvant. Je préfère le bon vin.
    — Je le comprends. Désormais, vous n’en boirez que mêlé à de l’eau. Je reviendrai demain pour voir comment vous vous portez, Votre Excellence. Allez-vous bien, en dehors de cela ?
    — Aussi bien qu’on puisse l’être dans cette position. Isaac, je suis entouré de troubles et de révoltes. Personne n’est heureux. Les chanoines veulent être évêques, les prêtres rêvent d’être chanoines ou de se faire nommer dans de riches paroisses, ou encore occuper des places importantes à la cour. L’ambition les rend tous fous. Même ceux qui réussissent à peine à bredouiller une ligne de texte sacré croient que je leur dois d’extraordinaires promotions. Il suffit que le fils cadet d’un duc occupe une position dépassant largement ses compétences pour que le fils du poissonnier pense qu’il mérite d’être cardinal.
    — Vraiment ?
    — Pas au sens propre, Isaac. Nous n’avons pas de fils de poissonnier – mais s’il y en avait un et s’il était assez stupide, il voudrait être cardinal.
    — Même Monterranes ?
    — Francesc ? Non, Francesc demeure loyal, intelligent et compétent, trop conscient aussi des folies de l’humanité pour céder à une ambition arrogante. Ce sont ces maudits séminaristes, Isaac. Je remercie chaque jour le Ciel de m’avoir donné Francesc. Je suis las des éternelles difficultés que me créent les séminaristes. Ils sont comme des abeilles dont la ruche a été bouleversée, volant çà et là, faisant du bruit et suscitant des désordres, mais n’aboutissant à rien.
    — Qu’est-ce qui les a troublés ?
    — J’aimerais le savoir, répondit l’évêque. Ils sont plus agités que jamais ces jours-ci et bafouent chacune des règles du séminaire. Et leurs maîtres, au lieu de trouver avec eux une solution, me les envoient, avec des gémissements et des lamentations comme s’ils étaient au-delà de la Rédemption.
    Il s’interrompit un instant.
    — Que dois-je faire ? Mon humeur est telle que je ne puis traiter avec tous ces fous.
    Isaac prenait au sérieux les doléances de son ami. Pour le moment, tout au moins.
    — Vous pouvez faire deux choses, Votre Excellence, dit-il. Trouvez quelqu’un de confiance au sein du séminaire, ou quelqu’un qui puisse y être placé, pour découvrir quel est le problème. Ce peut être une chose fort banale, comme un changement de personnel de cuisine ou une restriction mineure des libertés. Quoi qu’il en soit, réglez-le d’une manière ou d’une autre.
    — Bonne idée. Je crois avoir sous la main quelqu’un digne de confiance. Et ensuite ?
    — Oubliez votre goutte et disputez avec moi une partie d’échecs. Vous avez besoin d’échapper aux soucis

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