Remède pour un charlatan
les atteindre et à faire jaillir la lumière.
Quand elle leva sa bougie, ce fut pour découvrir à terre le corps sans vie de son ancienne maîtresse.
CHAPITRE XVIII
Le soir de la Sant Narcis était traditionnellement réservé aux visites aux amis et aux voisins et, comme tout le monde, Nicholau et Rebecca avaient leurs obligations. Quand Carles était tombé de sommeil, épuisé par l’excitation de la journée, et que Zeynab s’était installée dans la chaleur de la cuisine en compagnie de la petite servante, ils étaient partis voir quelques personnes. La dernière maison où ils se rendirent fut celle du cousin de Nicholau, Pau, et de sa femme, un couple charmant qui avait assisté Rebecca lors de sa conversion et était maintenant parrain et marraine du petit Carles. Pour leurs nombreux amis, ils avaient préparé un copieux souper, avec d’excellents vins et des plats de saucisses et de jambon tranchés, des viandes froides, des olives, des fromages, des fruits, mais aussi de grands pots en terre emplis de viandes braisées ou cuites en ragoût. Le feu brûlait dans chaque âtre, une abondance de bougies tenait éloignée l’obscurité et l’ambiance devint rapidement très gaie. Mais, aussi plaisante la soirée fût-elle, Rebecca avait quelque mal à s’amuser. L’image du corps meurtri de Zeynab l’empêchait de profiter pleinement de la fête. Comment pouvait-on prendre du plaisir quand de telles choses arrivaient si souvent ? Même son père, pourtant concerné au premier chef, semblait résigné. Elle scruta le visage épanoui des autres invités et s’étonna.
Nicholau leva sa coupe pour boire à la santé de ses hôtes, entrevit la mine de sa femme et la reposa. Rebecca ne se sentirait pas bien tant qu’elle ne serait pas rentrée chez elle. Dès que la politesse le leur permit, ils prirent congé, jetèrent leurs capes sur leurs épaules, allumèrent leur lanterne et partirent.
La servante les attendait en tremblant. Elle les accueillit avec un flot de larmes, un torrent de paroles incohérentes et enfin une petite bourse contenant cinq sous.
— Un homme est venu l’enlever ? demanda Rebecca.
La gamine secoua la tête avec véhémence.
— Deux hommes, parvint-elle enfin à dire.
— Deux hommes sont venus l’enlever, c’est bien cela ?
Elle acquiesça et baissa les yeux, pleine de honte.
— Et c’est parce qu’ils t’ont donné cinq sous que tu les as laissés faire ?
Le regard de Rebecca augurait mal d’un séjour prolongé de la servante dans la maison des Mallol.
— Oh non, maîtresse ! Mais l’un d’eux a dit qu’il était officier du guet, et c’est vrai, je l’ai reconnu. L’autre a ouvert toute grande la porte et l’a emmenée. Elle était sortie de la cuisine pour m’aider quand il l’a attrapée. Il m’a jeté la bourse et puis ils sont partis. C’est arrivé si vite…
— Trop vite pour appeler à l’aide ? Trop vite pour venir nous avertir ?
— Allons, Rebecca, intervint Nicholau en posant doucement la main sur l’épaule de sa femme. Elle a eu peur. Et si c’est bien l’officier du guet qui a frappé à la porte, qu’aurait-elle pu faire d’autre ?
Il secoua la tête.
— Comment cet homme a-t-il pu convaincre l’officier de lui prêter main-forte, je l’ignore, mais elle dit la vérité. Je la crois.
— Pas moi, répliqua Rebecca.
— J’ai entendu tellement de choses de ce genre au tribunal, ajouta Nicholau. Les hommes du guet sont parfois abusés. Ils ne sont pas toujours d’une grande intelligence. Mais nous devons la retrouver, dit-il comme s’il n’y avait rien de plus facile.
— Oh, Nicholau, comment allons-nous faire ? Et comment réagira papa ? Elle est peut-être morte, ou déjà en route pour Barcelone !
— Allons, ma mie, réfléchissez un instant. Pourquoi voudrait-on tuer une esclave de valeur ? Je vais quérir de l’aide avant qu’ils n’aillent trop loin.
— Où cela ? demanda sa femme d’un ton amer.
— Où cela ? Je vais parler à l’officier et lui demander ce qu’il sait de cet homme.
Le coup timide frappé à la porte d’Isaac ne produisit qu’un son infime. Raquel s’arrêta de travailler, tendit l’oreille et pensa que c’était un animal ou une branche qui venait gratter le mur. Elle soupira, referma le gros volume qu’elle était en train de lire et le reposa sur son étagère. Elle avait assez travaillé dessus : il était d’une lecture
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