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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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dans la Gazzetta di Venezia .
    Le commissaire ne lisait presque jamais ce journal depuis qu’on ne le trouvait plus au Florian .
    — Et que disait-il ?
    La princesse réfléchit un instant.
    — Que Graz, Salzbourg et Trieste sont vos concurrents les plus sérieux.
    — C’est exact. Nous pouvons encore nous permettre un meurtre. À deux, nous serions contraints de partager la première place avec Graz. Spaur espère se voir invité à la Hofburg si Venise reste en tête.
    — Ce pour quoi sa jeune et énergique épouse serait prête à tout, supposa Maria. Je me trompe ?
    Tron ne pouvait que lui donner raison.
    — Tu vois juste. Et énergique est le mot ! Elle est capable d’accuser le baron de tous les meurtres, comme s’il les avait commis en personne.
    — Après quoi, le baron t’accusera à son tour comme si c’était toi qui les avais commis.
    — C’est à craindre, hélas, acquiesça le commissaire. Il ne reste donc plus qu’à espérer que…
    À cet instant, la porte du salon s’ouvrit. Moussada ou Massouda, l’un des serviteurs éthiopiens que Tron confondait toujours, s’avança sur le seuil. Derrière lui se tenait le sergent Caruso. Celui-ci s’approcha, et, malgré la faible lumière des chandelles, le commissaire remarqua qu’il était livide. Il salua son supérieur et s’inclina devant la princesse. Puis il dit :
    — Nous avons un cadavre sur le môle. Dans une gondole.
    Tron n’avait pas besoin de demander s’il s’agissait d’un accident. Dans ce cas, le sergent ne l’aurait pas dérangé à une heure aussi tardive. Il posa donc son manuscrit et se leva.
    — Que s’est-il passé ?
    — Un gondolier a découvert sous son felze le corps d’une femme, expliqua le policier. Elle était montée à bord devant la locanda Zanetto en compagnie d’un homme qui est descendu au Rialto. Quand ils sont arrivés à la Piazzetta, elle était morte.
    — Suicide ?
    — Impossible.
    — Donc, l’homme l’a tuée ?
    Le sergent hocha la tête.
    — On dirait bien.
    Il haussa les épaules et ajouta d’une voix bizarrement éteinte :
    — Ce n’est pas beau à voir, commissaire, je vous préviens. L’inspecteur Bossi est déjà sur place.

10
    La gondole était amarrée à l’extrémité d’un des pontons en bois fixés le long du môle. Tron la reconnut de loin à la lumière vive qui sortait du felze et provenait des lampes à miroir réfléchissant dont Bossi se servait pour prendre des photographies du lieu du crime. Une gondole de police bloquait l’accès du côté de la lagune. Sur le quai, deux sergents barraient le passage à un petit groupe de curieux. En fait, le môle était plus fréquenté que le commissaire ne s’y attendait. Nombre de Vénitiens ou d’étrangers semblaient avoir profité de la trêve de l’hiver pour faire un tour sur la place Saint-Marc. Un mince croissant de lune brillait au-dessus de la basilique tandis que les becs de gaz dessinaient de petits halos dans la nuit.
    Bossi tendit la main à son supérieur pour l’aider à descendre de sa gondole. Trois grandes caisses contenant son matériel étaient posées à côté de lui : deux pour les plaques en verre et une pour l’appareil. Tron en conclut qu’il avait terminé.
    — Le Dr Lionardo l’examine depuis dix minutes, annonça son assistant sans prendre le temps de le saluer.
    Son visage était d’une pâleur verdâtre. Tron se demanda s’il venait de vomir.
    — Je ne pense pas qu’il en ait encore pour longtemps, poursuivit le jeune inspecteur. Quand il aura fini, je pourrai démonter les lampes.
    Le commissaire balaya les alentours du regard. En dehors de Bossi, il ne vit personne sur le ponton.
    — Où est le gondolier ? demanda-t-il.
    — Au poste, place Saint-Marc. Nous pourrons l’interroger tout à l’heure. Il est complètement retourné.
    — C’est si affreux que cela ?
    Un sourire dénué de tout humour se dessina sur le visage livide de Bossi.
    — Le mieux serait que vous vous fassiez une idée par vous-même, commissaire.
    Il agita la main en direction de la gondole. Visiblement, il n’avait pas l’intention de bouger.
    Tron se mit donc en marche seul. Il constata que son agitation et sa curiosité se maintenaient dans les bornes du raisonnable. Alors qu’il approchait de l’extrémité du ponton, il se prit même à penser, fort mal à propos, à la mousse au chocolat * de la princesse. Était-ce un réflexe de policier, incapable

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