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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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vous soyez l’un d’eux ?
    — En effet, répondit Stumm von Bordwehr sur un ton tout aussi anodin, avant d’esquisser un sourire amical. L’autre était M. Grassi.
    L’espace d’un instant, Tron fut persuadé d’avoir mal entendu.
    — L’homme avec lequel vous vous êtes disputé en plein commissariat ?
    L’officier acquiesça.
    — Précisément.
    — Par conséquent, votre querelle n’avait en fait rien à voir avec la cocarde tricolore, mais avec Mlle Calatafimi ?
    — Sûrement, poursuivit l’Autrichien, avez-vous appris par Mlle Querini que Gina avait deux prétendants disposés à l’épouser. Vous en concluez donc qu’elle s’était décidée en ma faveur et M. Grassi l’a assassinée pour cette raison. Cependant, il n’en est rien.
    Il secoua la tête en souriant.
    — Mlle Calatafimi travaillait pour nous, elle aussi.
    Tron remarqua que Bossi écarquillait les yeux.
    — Voilà pourquoi je la rencontrais de temps à autre.
    L’officier hésita un instant, comme s’il se demandait s’il pouvait leur faire confiance, puis il reprit :
    — Je dirige un sous-service de la Haute Cour militaire à Vérone, qui…
    Il s’interrompit encore, ne sachant manifestement pas comment terminer sa phrase sans révéler trop d’informations sur le détail de ses activités.
    — Un service qui collecte des informations d’ordre politique et militaire, finit-il par déclarer.
    Tron inspira profondément. Il se sentait soudain mal à l’aise, comme s’il venait de se faire prendre en flagrant délit de mensonge. En effet, il était convaincu qu’un dossier le concernant traînait toujours quelque part à Vérone. À la glorieuse époque de la révolution vénitienne, quand la ville était parvenue à se libérer du joug autrichien pendant toute une année, il avait été membre de l’Assemblea, le parlement révolutionnaire. Et pendant le siège de Venise, alors que les vivres devenaient de plus en plus rares et que les gens commençaient à manger leurs chiens et leurs chats, il avait été chargé de veiller à une juste répartition dans la paroisse de San Stae. Stumm von Bordwehr était-il au courant du rôle modeste qu’il avait joué pendant la révolution vénitienne ? Tron supposa que, depuis l’avant-veille, le militaire avait consulté son dossier. Il s’éclaircit la gorge.
    — Ainsi, Mlle Calatafimi était l’une de vos indicatrices ?
    Le colonel approuva et dit de nouveau quelque chose de surprenant :
    — Oui, de même que Grassi.
    Pour la seconde fois, le commissaire inspira profondément.
    — Quels étaient leurs rôles, exactement ?
    — Mlle Calatafimi fréquentait des officiers d’état-major étrangers. Quant à Grassi, il entretenait des contacts avec un groupe de résistants qui voulaient introduire des armes en fraude.
    — Y sont-ils parvenus ?
    Stumm von Bordwehr esquissa un mouvement méprisant de la main.
    — Ce sont des écervelés, des gens incapables de suivre le cours naturel des choses. Mais nous devons toutefois les avoir à l’œil.
    Tron fronça les sourcils.
    — Le cours naturel des choses ?
    Le militaire eut un sourire aigre-doux.
    — Le cours naturel des choses, commissaire, est que, tôt ou tard, nous devrons remballer.
    Étonnant, pensa Tron. De toute évidence, même le colonel était convaincu que les jours de l’Autriche à Venise étaient comptés. Mais il était plus étonnant encore qu’il ne s’en cachât point.
    — Le meurtre de Mlle Calatafimi a-t-il un rapport avec ces activités ?
    — Non, rien à voir avec la politique.
    — De quoi s’agit-il alors ?
    — D’amour, répondit l’Autrichien. Grassi était bel et bien follement épris de cette femme. Il voulait qu’elle se range. Un jour, il m’a dit qu’il ne pouvait plus supporter l’idée qu’elle s’humilie chaque nuit.
    — Ce n’est pas une raison pour l’éliminer.
    Le colonel haussa les épaules.
    — Bien sûr. Seulement, il a encore dit autre chose. Pas à moi, mais à Mlle Calatafimi.
    — Quoi donc ?
    — Que si elle n’arrêtait pas, il la tuerait.
    Tron leva les sourcils.
    — D’où vous déduisez qu’il est passé à l’acte ?
    — Ce n’est pas seulement à cause de cette menace, répondit l’Autrichien. C’est aussi à cause des circonstances de sa mort. Manifestement le meurtrier dispose de solides connaissances anatomiques.
    — Le médecin légiste a écrit la même chose dans son rapport,

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