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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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humide et se mit à frotter la tablette en marbre posée sur le comptoir.
    — Peut-être vous a-t-il raconté que je l’avais menacée uniquement parce que lui aussi l’avait fait.
    — Et parce qu’il l’a tuée ?
    Grassi haussa les épaules.
    — Ça, c’est à vous de le découvrir, commissaire.
    — En admettant qu’il l’ait tuée, pourquoi s’est-il présenté au commissariat ? Pourquoi s’est-il jeté dans la gueule du loup de son plein gré ?
    Le boucher considéra Tron avec l’air de ne pas comprendre.
    — Parce que, tôt ou tard, vous auriez fini par lever le voile.
    Il se pencha jusqu’à ce que ses yeux arrivent à la hauteur de la plaque de marbre et passa plusieurs fois le chiffon pour essuyer la tache de sang.
    — Vous auriez étudié à la loupe la clientèle de Gina, poursuivit-il, et nous auriez repérés à coup sûr.
    — Dans ce cas, pourquoi est-ce que vous, vous n’êtes pas venu nous rendre visite ?
    — Parce que moins d’éléments jouent en ma faveur. En outre, on croit plus volontiers un officier de l’armée impériale qu’un boucher de Cannaregio. Même si le colonel a montré combien il pouvait être violent.
    Il jeta le chiffon sur son comptoir et fixa le commissaire d’un regard pénétrant.
    — Avez-vous vérifié où le colonel se trouvait mardi soir ?
    Tron ne répondit pas. Il préféra répliquer :
    — Vous pourriez peut-être nous dire où vous, vous étiez mardi soir.
    — J’ai fermé ma boutique à sept heures. Ensuite, j’ai nettoyé et je suis monté chez moi.
    — Vous avez passé toute la nuit dans votre appartement ?
    Grassi acquiesça.
    — Avez-vous reçu de la visite ?
    Il baissa la tête.
    — Non.
    — Personne ne peut donc témoigner que vous êtes resté chez vous ?
    Il inclina la tête encore un peu plus.
    — Hélas, non.
    Tron le vit s’emparer du couteau qu’il avait laissé sur le comptoir et en vérifier le tranchant avec le pouce. Il semblait réfléchir, les lèvres retroussées. Du coin de l’œil, le commissaire vit que son subalterne posait la main sur l’étui de son arme de service.
    — Je crains, dit-il en faisant par précaution un pas en arrière, que vous ne deviez nous suivre au commissariat, monsieur Grassi.
    Le boucher blêmit.
    — Je suis en état d’arrestation ?
    — Il s’agit juste de prendre votre déposition, le rassura Tron.
    Grassi reposa le couteau. De nouveau, il sembla méditer fortement quelques secondes. Il esquissa ensuite un sourire apaisé.
    — Puis-je aller me changer, commissaire ?
    — Bien entendu !
    Avant d’entrer dans la boutique, ils avaient vérifié l’absence d’issue à l’arrière.
    Le boucher disparut par la porte entrouverte derrière le comptoir. Il la referma et les deux policiers entendirent le bruit d’une clé qu’on tourne. Ils se regardèrent.
    — Il a fermé à clé, constata Bossi de façon tout à fait superflue.
    Il passa de l’autre côté du comptoir et secoua la poignée à deux mains.
    — Qu’a-t-il l’intention de faire ? demanda-t-il à son chef. Il ne peut pas s’échapper. Il y a des barreaux aux fenêtres.
    — Peut-être pourriez-vous le sommer d’ouvrir ?
    Tron se rendait compte que sa proposition n’était pas vraiment constructive, mais c’était tout ce qui lui était venu à l’esprit.
    Bossi frappa du poing contre la porte.
    — Monsieur Grassi, ouvrez !
    M. Grassi n’en fit rien, bien entendu. Sinon, il n’aurait pas fermé à clé. Au lieu de cela, ils entendirent des pas précipités et des bruits métalliques, comme s’il cherchait un objet. Puis ce fut le silence.
    Après avoir inspiré à fond, l’inspecteur leva la jambe droite et projeta sa botte contre la serrure qui céda aussitôt. La porte s’ouvrit avec violence et la poignée heurta le mur.
     
    La pièce dans laquelle ils pénétrèrent avec précaution formait un mélange d’atelier, d’arrière-boutique et de débarras. Sur un banc au-dessous de la fenêtre, on distinguait des tonneaux en bois remplis de déchets de viande. Le mur de droite était orné de  deux grandes affiches, manifestement importées de France, qui représentaient un porc et un bœuf de profil et précisaient où se trouvaient le filet *, l’ entrecôte *, la queue * et la tranche *. En tombant, Grassi avait effleuré la lampe à pétrole suspendue au plafond. La lumière dansante éclairait deux faisans, un lièvre, des os et plusieurs couteaux

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