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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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accrochés par les pattes pendaient à côté de l’entrée, leurs plumes chatoyantes rappelaient des bouquets de fleurs. Derrière la vitre, un porcelet au teint rosé, qu’on aurait dit peint, reposait sur un grand plat en porcelaine, au milieu de verdure de toute sorte. Il avait les yeux écarquillés et une tomate sortait de sa bouche entrouverte. Un énorme couteau et une énorme fourchette étaient plantés dans son dos, comme si un ogre s’apprêtait à le manger. En se penchant pour regarder de plus près ce fascinant spectacle, Tron constata que le porcelet était en cire et ses yeux en verre.
    Debout derrière son comptoir, Grassi coupait une tranche de jambon pour une cliente. Il portait un tablier blanc et une casquette de même couleur. Tron entra, suivi de l’inspecteur. Le boucher enveloppa le jambon dans une feuille de papier, encaissa, suivit la dame jusqu’à la porte et ferma à clé derrière elle. Puis il revint derrière son comptoir et dit en jetant un coup d’œil aux deux policiers :
    — Que puis-je pour vous ?
    Il se déplaçait à la vitesse d’un escargot, d’un pas raide et maladroit, pareil à celui d’une marionnette. Son visage blême, inexpressif, était figé comme un masque.
    — Répondre à quelques questions, expliqua Tron.
    Grassi sourit d’un air las.
    — S’agit-il de la cocarde tricolore que j’ai passée à ma boutonnière sur la place Saint-Marc ?
    Au commissariat, Tron n’avait pas remarqué que Grassi avait un léger accent, difficile à identifier, mais frappant. Du coin de l’œil, il nota que son subalterne fronçait les sourcils.
    — Non, il s’agit d’autre chose, monsieur Grassi, répliqua le commissaire. Puis-je vous demander d’où vous venez ?
    — De Trieste. Ma mère est originaire du Frioul et mon père de Milan.
    Eh bien, voilà ! Pas étonnant qu’il fût difficile d’identifier son accent. On pouvait très bien imaginer qu’un gondolier le prenne pour celui d’un étranger.
    — Nous sommes venus vous voir parce que nous avons eu une assez longue discussion avec le colonel Stumm von Bordwehr.
    Le commissaire s’était attendu à une réaction, mais le visage de Grassi resta impassible.
    — En quoi puis-je vous être utile ? dit le boucher.
    — Connaissiez-vous une certaine Mlle Calatafimi ?
    Grassi garda le silence un moment, puis il répondit d’un ton hésitant :
    — Oui, je la connaissais.
    — Vous savez qu’elle est décédée ?
    — Oui, je suis au courant.
    — Auriez-vous la gentillesse de nous révéler la nature de vos relations ?
    Grassi s’était emparé d’un des couteaux posés sur le comptoir et avait entrepris d’en aiguiser la lame d’un geste mécanique.
    — Je la rencontrais assez souvent, finit-il par déclarer.
    —  Assez souvent , que voulez-vous dire par là ? insista Bossi.
    Le boucher reposa le couteau et réfléchit un instant.
    — Trois fois par semaine peut-être.
    — Où ?
    — Dans un petit hôtel proche de la locanda Zanetto.
    — Entreteniez-vous une relation particulière avec cette demoiselle ?
    — Mlle Calatafimi voulait changer de métier. Je lui ai proposé mon aide. Elle aurait pu me rendre service au magasin.
    L’expression changer de métier plut beaucoup à Tron.
    — Mlle Calatafimi avait-elle accepté votre offre ?
    — Elle avait du mal à se décider.
    — Le colonel Stumm a affirmé, poursuivit Tron, que vous auriez menacé de la tuer si elle continuait de se livrer à ses activités.
    Le boucher fixait une tache de sang qu’il avait découverte sur le comptoir.
    — Il nous arrivait de nous disputer, concéda-t-il. Peut-être Mlle Calatafimi m’a-t-elle mal compris.
    Il releva la tête et adressa un regard furieux au commissaire.
    — Mais je me demande ce qui a bien pu pousser le colonel à prétendre une chose pareille !
    — Et quelle serait votre réponse ?
    — Qui sait ? Peut-être voulait-il détourner les soupçons de lui. La façon dont Gina gagnait sa vie le gênait autant que moi.
    — Vous voulez dire qu’un officier de l’armée autrichienne s’intéressait pour de bon à une…
    Tron s’interrompit en prenant soudain conscience du caractère blessant et cruel de ces paroles pour son interlocuteur. Lorsque celui-ci répondit, il ne perçut aucune colère dans son regard, juste de la tristesse.
    — Vous pouvez le dire franchement, commissaire. Gina était une professionnelle.
    Il saisit un chiffon

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