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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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encore dans la lagune. Avec des traces d’étranglement et le ventre ouvert.
    — Vous voulez dire que Grassi ne se serait pas contenté d’une seule femme avant Mlle Calatafimi ?
    — Comment l’exclure ? Nous n’avions jamais imaginé repêcher ce cadavre.
    — Quelle raison Grassi pourrait-il avoir eue de tuer cette femme ?
    Le commissaire haussa les épaules.
    — Nous ne savons même pas comment elle s’appelle. Tout semble indiquer qu’on a affaire au même assassin, mais s’agit-il bien de notre boucher ?
    L’inspecteur observa son supérieur d’un air troublé.
    — S’il s’agit du même assassin, c’était forcément Grassi, commissaire !
    Tron le contredit d’un mouvement de la tête.
    — Vous oubliez que, jusqu’à présent, nous n’avons aucune preuve qu’il ait tué Mlle Calatafimi. C’est une simple supposition, fondée sur son suicide et les planches anatomiques de son arrière-boutique.
    Bossi le fixa avec angoisse.
    — Cela signifierait que l’assassin est peut-être…
    — Encore en liberté, conclut Tron.
    L’inspecteur se retourna si brusquement sur son siège que l’étui contenant son trépied glissa sur le plancher.
    — Stumm von Bordwehr ?
    Son supérieur ne put s’empêcher de rire.
    — Cette piste, elle aussi, demeure une simple supposition, Bossi ! Dans l’immédiat, nous devrions nous en tenir à l’hypothèse que Grassi a tué ces deux femmes.
    — Quelles conséquences cela a-t-il pour notre rapport ?
    — Aucune. Pour l’heure, nous portons ce crime au compte du boucher. Il nous faut juste ajouter un appendice.
    — Mais que ferons-nous si nous trouvons un nouveau cadavre ? Éventré, lui aussi ?
    — Nous ajouterons un deuxième appendice. À condition, bien sûr, que l’heure du décès ne soit pas postérieure au suicide du boucher.
    Bossi plissa les yeux.
    — Et si ce n’est pas le cas ?
    Le commissaire pencha la tête en arrière et observa des mouettes qui voletaient dans le ciel pluvieux. Il pensa au colonel et se douta que Bossi y pensait également.
    — Alors, nous aurons un sérieux problème, dit-il.

19
    Parler de petit déjeuner en tête à tête – pour reprendre l’expression d’usage – relevait de la plaisanterie. En règle générale, ils étaient assis à trois mètres l’un de l’autre, séparés par une volumineuse composition florale qu’on faisait venir des serres de la terre ferme pour des sommes astronomiques. C’est pourquoi il devait se pencher sur le côté pour s’adresser au patron . Si celui-ci détestait qu’on l’observe pendant qu’il causait, il devenait en revanche nerveux dès qu’il perdait de vue son interlocuteur.
    Tandis que lui-même n’avait droit qu’à trois rosette , un peu de confiture et un café tiède, l’autre moitié de la table ployait sous le poids des fruits frais, du jambon, des œufs brouillés et du caviar. Bien entendu, un laquais veillait à ce que la tasse du patron restât toujours pleine et débarrassait les assiettes au fur et à mesure qu’elles se vidaient. Au début, il avait mal pris le fait que cet imbécile de valet fît obstinément semblant de ne pas le voir ; désormais, il s’y était habitué. De temps à autre, le patron buvait du champagne au petit déjeuner – sous prétexte de donner un coup de fouet à ses humeurs. Ce n’est pas qu’il tînt absolument à boire des bulles de si bonne heure, mais il y avait quelque chose d’humiliant à ne s’en voir jamais proposer une seule coupe.
    Ce matin-là, ils s’étaient entretenus longuement de la faute et de la grâce, ce qui n’avait rien d’étonnant quand on songeait à quoi le patron passait ses nuits. Qu’arrivait-il, avait demandé celui-ci d’une voix larmoyante, quand des besoins impérieux obligeaient un homme à commettre des actes en contradiction avec les principes de la religion catholique ? N’était-ce pas le Tout-Puissant lui-même, sans la volonté duquel pas un brin d’herbe ne se mouvait, qui avait implanté de tels besoins en lui ? N’était-ce pas Lui, le coupable ? Qu’adviendrait-il le jour où il s’avancerait vers – avait-il dit – le trône du Seigneur  ? La grâce du Seigneur – là aussi, c’étaient ses mots – luirait-elle au-dessus de lui, ou devait-il s’attendre à la damnation éternelle ?
    Sur ce point, il aurait eu des choses à dire, par expérience personnelle en quelque sorte. Pendant un bref instant, il avait même

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