Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
Vom Netzwerk:
reconnaissait-on sans peine qu’il s’agissait d’une femme. En dehors d’un fin bracelet doré, qu’on pouvait difficilement qualifier de vêtement, elle était nue. Elle avait la peau grisâtre et le corps gonflé. Malgré tout, elle paraissait mince, menue. Il était impossible de rater les empreintes au niveau de sa gorge, deux taches noires aux contours irréguliers. De même qu’on ne pouvait manquer la profonde entaille d’un gris sombre qui bâillait sous son nombril. Un peu de varech s’était pris dans ses cheveux clairs, pareils à un casque autour de sa tête. Son visage lui aussi était boursouflé tandis que ses narines, ses lèvres et ses paupières ressemblaient à des coussinets gris. Il ne faisait aucun doute qu’elle était morte dans des conditions atroces.
    Mais combien de temps avait-elle séjourné dans l’eau ? Quel trajet son corps avait-il parcouru ? Et où exactement était-elle morte ? Sur une des innombrables îles de la lagune ou à Venise même ? Il n’était pas exclu que la marée ait entraîné son corps au large avant qu’un contre-courant, par exemple juste devant la punta Sabbioni, l’ait ramené vers la terre. Si ce petit jeu s’était répété plusieurs fois, quelques jours avaient pu s’écouler avant que le cadavre finisse par rester coincé derrière un pieu en bois dans le canal de la Giudecca.
    Tron, qui s’était agenouillé devant le corps, se releva et constata que même le Dr Lionardo, en général saisi d’une étrange gaieté à la vue d’un cadavre, manifestait ici un extraordinaire sérieux. Bien que la question paraisse superflue, il la posa quand même :
    — Elle s’est noyée ?
    — Non, on l’a étranglée avant de se débarrasser du corps, répondit le légiste.
    — Comme… ?
    Le médecin acquiesça.
    — Comme la femme dans la gondole. Avec le même professionnalisme.
    — On l’a ligotée ?
    Le commissaire n’avait remarqué aucune trace autour des poignets et des chevilles. L’eau glaciale les avait-elle effacées ? Cela semblait peu probable, car alors, elle aurait aussi fait disparaître les ecchymoses sur la gorge. Le Dr Lionardo secoua la tête.
    — Non, elle n’a pas été attachée.
    — Et combien de temps est-elle restée dans l’eau à votre avis ?
    Chaque fois qu’il ne pouvait fournir une réponse précise, le médecin légiste réagissait comme si Tron lui avait fait une proposition indécente.
    — Trois à quatre jours peut-être, finit-il par dire.
    Le commissaire esquissa un faible sourire.
    — Quand aurons-nous le rapport d’autopsie ?
    — Demain matin.
    Le Dr Lionardo se pencha, ramassa sa sacoche et s’apprêta à partir.
    — Mais n’attendez rien de neuf ! ajouta-t-il.
     
    — Vous aviez raison, commissaire, déclara Bossi une demi-heure plus tard, alors qu’ils étaient de nouveau assis dans la gondole de police. Grassi était complètement fou. Encore plus fou que nous ne le pensions.
    Il avait posé à ses pieds la caisse contenant les mystérieuses plaques sèches à la gélatine et la boîte qui renfermait son appareil photographique. Le trépied en bois qu’il tenait sur ses genoux, rangé dans son étui en toile, ressemblait à un parapluie que Tron aurait volontiers ouvert au-dessus de lui, car il s’était mis à bruiner et les gouttes tombaient du bord de son haut-de-forme sur la fourrure de sa redingote.
    Il se sentait un appétit d’ogre. Que n’aurait-il pas donné pour une part de gâteau ! Un morceau gros comme une bible familiale ! La vue du cadavre gonflé ne lui avait visiblement pas retourné l’estomac.
    — Donc, vous êtes convaincu que notre boucher a également cette femme sur la conscience, dit-il.
    Difficile de savoir s’il s’agissait d’un constat ou d’une question. Son subalterne hocha la tête.
    — Ce crime porte indubitablement la signature de Grassi.
    Tron n’avait encore jamais entendu le terme de signature dans ce contexte. Il le trouva parlant et approprié. Bossi devait l’avoir dégoté dans une revue spécialisée de criminalistique.
    — Selon vous, l’affaire serait donc limpide, poursuivit-il.
    — À l’évidence, Grassi a commis deux crimes en un bref laps de temps. D’abord cette femme, puis Mlle Calatafimi.
    — Il se peut que l’affaire soit résolue, lâcha Tron, néanmoins elle est loin d’être finie !
    — Que voulez-vous dire par là ?
    — Que personne ne sait combien de cadavres dérivent

Weitere Kostenlose Bücher