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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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vraiment dit : « J’ai besoin d’une robe pour moi » ? Bossi sentit son pouls s’accélérer, le rouge lui monter au visage et la sueur couler de ses tempes à son col de chemise. M. Riccardi parut pourtant ne rien remarquer. Il inclina le buste d’un geste courtois.
    — Aviez-vous, euh, un modèle précis en tête, inspecteur ?
    Comment ? Un modèle précis  ? Était-ce une question piège par laquelle le tailleur reconnaissait les hommes profitant du carnaval pour libérer un penchant longtemps contenu ? Il toussota avec nervosité. Son uniforme bleu et les boutons dorés qu’il aimait tant lustrer lui traversèrent l’esprit.
    — Je pensais à un tissu bleu et des boutons dorés.
    M. Riccardi esquissa une grimace sceptique.
    — Avec des cheveux blonds ? Je crains que…
    Il fronça les sourcils et regarda l’inspecteur d’un air songeur. Alors, celui-ci décida de lui demander conseil.
    — Quelle couleur irait le mieux avec des cheveux blonds ?
    — Du noir, inspecteur !
    Évidemment ! Bossi ne put s’empêcher de penser à la princesse de Montalcino dont c’était la couleur préférée. Bien, il prendrait donc une robe noire. Seulement… quel genre de robe ? Il avait réfléchi à cette question en chemin et en était arrivé à la conclusion qu’il ne voulait ni une robe de soirée coûteuse ni une robe à crinoline, bref rien qui entrave les mouvements. On s’orientait dès lors vers une robe de promenade. En outre, il souhaitait une robe qui souligne sa taille de guêpe. On pouvait sans doute, s’était-il dit, rembourrer un peu les hanches. Quant à la poitrine, il devait y avoir moyen de…
    Bossi ferma les yeux et se vit en pensée avec sa perruque blonde, en train de jeter des regards aguicheurs à une rangée d’hommes admiratifs. Sa robe en taffetas noir, serrée à la taille, mais rembourrée de manière charmante au-dessus et au-dessous de la ceinture, avait cette forme de sablier auxquels les hommes sont incapables de résister.
    — Je voudrais, susurra-t-il après avoir rouvert les yeux, une robe de promenade serrée à la taille.
    Et il ajouta :
    — Mais quelque chose de mignon !
    Oh, Ciel ! Que racontait-il là, pour l’amour de Dieu ? Avait-il vraiment pris une voix efféminée ? Qu’est-ce qui lui arrivait ?
    — Cela étant, précisa-t-il en s’efforçant de prendre un ton de policier, je suis ici pour des raisons professionnelles.
     
    Debout près du comptoir, une coupe à la main, elle se contemplait dans le grand miroir fixé au mur. De temps à autre, elle souriait à son reflet, tournait la tête de côté, d’un geste coquet, et caressait ses cheveux blonds de sa main libre. Elle portait une simple robe de promenade noire, boutonnée jusqu’au cou. Ses gants vénitiens, qui montaient au-dessus du coude, étaient noirs eux aussi. Elle avait un profil classique : un nez droit, un front haut, un menton fort sans être trop marqué. Et sa silhouette mince s’arrondissait là où il le fallait.
    Bref, elle lui plaisait. Plus il l’examinait, plus il se sentait gagné par l’excitation. Cela faisait maintenant un quart d’heure qu’il l’observait. Il était donc sûr que personne ne l’avait accompagnée, ce qui signifiait qu’elle attendait qu’on l’aborde sans pourtant se montrer pressée.
    À cette heure de la soirée – neuf heures n’avaient pas encore sonné –, le Rudolfo était encore à moitié vide. Deux douzaines de couples, tous plus ou moins costumés, tournaient au rythme d’une valse lente interprétée par un orchestre de chambre particulièrement mauvais. Le reste de la clientèle était soit assis à des tables au bord de la piste de danse, soit debout à proximité du comptoir. Il constata avec étonnement que presque tous les hommes tenaient entre les doigts un cigare ou une cigarette. Le nuage de fumée formait comme un second plafond au-dessus de leurs têtes. Par expérience, il savait que l’ambiance demeurait calme jusqu’à l’arrivée du public sorti de La Fenice et des autres théâtres de la ville, bien décidé à s’amuser jusqu’au petit matin.
    Mais lui ? Avait-il envie de s’amuser ? Et si oui, comment ? Il avait en tout cas emporté le nécessaire. Le rasoir et les lanières étaient dans sa poche, même s’il ne tenait pas à tout prix à opérer ce soir-là. Il se sentait encore fatigué après l’intervention de la veille et n’était entré au Rudolfo que parce qu’il

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