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Requiem sous le Rialto

Requiem sous le Rialto

Titel: Requiem sous le Rialto Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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confiance. En même temps, il savait qu’il n’avait aucune chance de dissuader la bête au fond de lui.
    Arrivés au bout du campo San Maurizio, ils s’engagèrent dans une ruelle débouchant sur le Grand Canal. C’était là que se trouvait la pension Pollini , suggérée par le travesti. Il n’en avait encore jamais entendu parler, mais cela ne voulait rien dire. Si nécessaire, il pourrait toujours décider sur place de mettre un terme à l’entreprise. Il allait de soi que les réceptionnistes devaient commencer à se méfier. Toutefois, un homme masqué d’un loup rouge et accompagné d’un travesti ne risquait pas d’éveiller les soupçons.
    L’entrée de la pension se situait presque au fond de la ruelle. Une petite lampe à huile au-dessus de la porte jetait une faible lueur sur la pancarte aux lettres ternies. C’était un bâtiment de trois étages, à la façade insignifiante. Quelques pas à peine les séparaient des marches au bord de l’eau. De l’autre côté du canal, des fenêtres éclairées brillaient dans l’obscurité, mais il y avait trop de brume pour distinguer la silhouette des maisons. Soudain, il se rappela le numéro dans la gondole et le plaisir qu’il lui avait procuré, le plaisir que la bête et lui avaient pris à cette occasion.
    En tournant la tête vers l’artiste, un sourire sentimental aux lèvres, il distingua le canon d’un pistolet. En vérité, pistolet était un bien grand mot. En dépit de la pénombre, il identifia sans mal un Derringer, une arme à un seul canon qui pouvait causer des blessures fort désagréables, mais qui ne tuait que dans de rares cas. C’était tout à fait une arme de tante, avec une force de pénétration modeste, l’arme préférée des joueurs et des femmes. Et des travestis, apparemment. En supposant qu’il ait bien affaire à un travesti. Car vu sous ce jour, le comportement de l’inconnu prenait soudain un sens tout différent : l’invitation à danser, l’intimité presque obscène de leur corps à corps pour vérifier s’il avait un portefeuille, le tarif à bon marché pour l’attirer dans cette ruelle sombre. Il s’agissait d’un guet-apens. Magnifique ! Que faisait la bête au fond de lui ? On aurait dit qu’elle avait perdu connaissance.
    De fait, l’homme à la perruque blonde dit soudain d’une voix virile et neutre :
    — Retournez-vous ! Levez les mains en l’air et posez-les contre le mur !
    Eh bien, il ne manquait plus que cela. Il se retourna d’un geste lent, constata sans surprise que la ruelle était vide et posa les mains contre le crépi. Devait-il appeler au secours ? Les maisons voisines étaient habitées, les riverains sortiraient peut-être. Mais que se passerait-il alors ? Ils retiendraient le voleur et alerteraient la police ? Non, surtout pas la police ! D’un autre côté, il était probable que ce brigand lui fouillerait les poches d’un instant à l’autre. Or il n’y trouverait pas qu’un portefeuille, mais aussi un rasoir et des lanières en cuir. Et ensuite ? Comprendrait-il ?
    Sans réfléchir plus longtemps, il laissa retomber ses mains, se baissa à toute vitesse et tourna sur lui-même en relevant les bras. Son coude atteignit l’artiste au menton. Au même moment, un coup de feu partit et brisa une vitre au-dessus d’eux. Il tira sur la main avec laquelle l’autre le retenait par la redingote, fit un bond dans l’obscurité et se mit à courir.
    À vrai dire, il n’aurait pas imaginé que le faux travesti se lance à sa poursuite. Pourtant, le gaillard était bel et bien à ses trousses. Arrivé au bout de la calle Vetturi, il bifurqua sur la gauche, dans la calle Corfu. L’autre, gêné par sa robe, prenait du retard. Devant l’Académie, la distance s’était encore accrue. Il traversa le campo della Carità à toutes jambes, se rua sur le pont de l’Académie et, une fois de l’autre côté, tourna à droite sur le campo San Vidal. Son cœur battait si fort qu’il n’arrivait presque plus à respirer.
    À cette heure, le grand portail en fer qui donnait dans le jardin du palais Cavalli serait fermé. Mais quelques pas plus loin, le mur d’enceinte virait à angle droit, en direction de Saint-Marc, et là, en principe, la petite porte était ouverte. Il s’arrêta au coin de la rue, manœuvra la discrète poignée ronde vers la gauche et appuya sur le vantail. Puis il pénétra dans le jardin, referma aussitôt derrière lui et poussa le

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