Retour à l'Ouest
peut-être touchée à mort – du moins dans cette vaste bataille-ci – quand
le parti stalinien, devenu très fort grâce aux armes soviétiques, s’étant
emparé de certains services de l’État, tels que la censure, le
contre-espionnage, la police politique, l’éducation politique, le commandement
de l’armée, obtint la démission de Largo Caballero et commença de persécuter
tous ceux qui s’opposaient à ses desseins. Largo Caballero démissionna pour ne
pas mettre le parti ouvrier d’unification marxiste hors la loi, comme l’exigeait
le PC, car c’était violer la démocratie. Couvert de boue et de mensonges par la
presse stalinienne, le POUM fut dissous, son leader Andrés Nin, kidnappé et
assassiné, ses militants traqués. L’anarchiste Berneri s’était fait du consul
général de l’URSS à Barcelone un adversaire déclaré : il fut assassiné. Puis,
la persécution s’attaqua à la gauche socialiste de Largo Caballero. Les
sanglantes journées de mai 1937 à Barcelone [290] furent le résultat d’une tentative du parti socialiste unifié de Catalogne (affilié
à la III e Internationale) dirigée contre la CNT libertaire. Ainsi, après
la calomnie à jet continu, la dissension armée, la persécution policière, l’assassinat,
s’installèrent à l’arrière du front républicain, pendant que des hommes de plus
en plus exécrés de leurs propres compagnons d’armes, occupèrent les postes
dirigeants. La méfiance, le soupçon, la rancune s’installèrent dans les âmes
tandis que la famine occupait les foyers. La victoire devenait doublement
impossible. Comment voulez-vous vaincre quand les combattants se méfient de
leurs chefs ? Or les chefs militaires appartenant au PC stalinien ont, parmi
les combattants qui ne sont pas de leur parti, une tout à fait fâcheuse réputation.
Les anarchistes affirment que Líster fit encore fusiller
plusieurs des leurs avant de passer les Pyrénées. (Il les accusa naturellement
de banditisme ; mais on sait que beaucoup de ses propres officiers et
soldats ont été arrêtés en France parce que trouvés porteurs de bijoux et d’or).
Un camarade, rescapé de Barcelone, me disait : « La haine des
staliniens était telle qu’on leur aurait imputé jusqu’aux calamités naturelles… »
Je ne songeais pas à poser ces problèmes il y a deux jours :
mais les événements de Madrid seraient incompréhensibles si l’on ignorait ces
choses. Le nouveau gouvernement réunit pour la suprême résistance et la
négociation presque tous les partis antifascistes sauf les staliniens [291] . Le POUM n’est
pas entré, vraisemblablement par principe : ses chefs sont d’ailleurs
réfugiés en France depuis la retraite de Catalogne et il était hors la loi
jusque hier. Julián Besteiro y représente la droite
socialiste ; Carrillo , la gauche socialiste dont
Caballero est le chef ; San Andrés , la gauche républicaine
bourgeoise ; Casado et Miaja , l’armée
(Miaja appartenait récemment au PC) ; Cipriano Mera , de
la CNT, est un maçon anarchiste qui s’est fait la réputation méritée d’un chef
de guerre ; Val et Marín sont
anarchistes aussi. Il s’agit pour ces hommes de conquérir une paix acceptable –
dont dépendent des dizaines de milliers de vies précieuses pour le socialisme
international – ou d’organiser la suprême résistance – ou encore des deux choses
à la fois. M. Negrín a dû s’en aller pour avoir tenté
de confier le commandement des dernières forces de la République à des généraux
staliniens comme Modesto , Galán , Matallana , responsables de la chute de Barcelone.
L’Humanité
, qui fait en première page
des avances aux socialistes français, n’hésite pas à imprimer en troisième que
les membres du nouveau Conseil national de défense formé à Madrid sont « des
traîtres ». Hélas ! On connaît l’odieuse chanson. MM. Negrín et Vayo , arrivés à Toulouse, se gardent bien, eux, de
tenir ce langage-là. Les accusations de trahison, prodiguées depuis le début, par
les staliniens à tous leurs adversaires politiques n’ont que trop contribué, en
effet, à démoraliser l’opinion antifasciste et, quand cette opinion a commencé
à se ressaisir, à faire détester les professionnels de l’injure et de la
calomnie.
Dix-huit congrès… *
18-19 mars 1939
Le XVIII e congrès du Parti communiste de l’URSS
siège en ce moment. Ce nous est l’occasion de revoir brièvement
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