Retour à l'Ouest
les interventions allemande et italienne,
de l’autre côté des lignes de feu.
Quelques mois se passent… La signature de Molotov, donnée à
côté de celle de M. von Ribbentrop, permet à Hitler de déclencher la
guerre européenne et de dévaster la Pologne ; à son tour, l’étranglement
de la Pologne permet à Staline d’envahir la Finlande. Tout s’enchaîne ainsi et
deux formes de la réaction totalitaire, qui pouvaient paraître irréductiblement
hostiles l’une à l’autre, l’une étant née de la victoire d’un prolétariat trop
faible dans un grand pays arriéré, et l’autre de la défaite du prolétariat dans
un grand pays surindustrialisé, se complètent et fraternisent (en se méfiant, toutefois)
sur les champs de bataille. Qu’espérer encore ? Espérer ce qui vient vers
nous comme les nuées s’accumulent sur l’horizon avant l’orage. La guerre est
pour le Nazisme le dernier soubresaut d’un système condamné ; et c’est une
guerre sans issue visible, hormis l’effondrement du régime. Ce grand vaisseau
se saborde lui-même, lentement. Ce qui vient, c’est une révolution allemande, un
réveil des masses vouées au silence, une explosion de fureur et de raison
devant les sacrifices, les crimes, les mensonges, les aberrations inutiles. Et
tout l’espoir de l’Europe se suspend à cette révolution. Nous en voyons les
causes économiques, politiques, morales, à l’œuvre simultanément. Nous
apercevons aussi la plus grande menace dès maintenant levée à l’Est sur le
peuple allemand pour faire de son réveil un cauchemar, escamoter sa libération,
lui apporter une nouvelle servitude totalitaire. Voilà la grande espérance et
le grand péril auxquels il faut nous préparer à faire face – après bien des
épreuves encore… Car l’avenir reste au courage.
1940
L’impôt sur l’agriculture en URSS *
2 janvier 1940
L’impôt que les paysans doivent payer à l’État soviétique
est périodiquement modifié. Car les cultivateurs s’adaptent à chaque situation
nouvelle de manière à défendre les produits de leur travail ; il faut dès
lors rechercher sans cesse le moyen de les faire payer et, plus encore de les
faire travailler pour payer, la tendance générale des exploités étant de
produire moins sitôt que l’on leur enlève le plus gros du produit de leur
travail. La loi du 28 août dernier, adoptée par le Conseil Suprême de l’Union a
passé presque inaperçue à l’étranger tant les esprits étaient préoccupés par
les événements internationaux ; nous n’en avons trouvé un commentaire – d’ailleurs
excellent – que dans le
Courrier
socialiste
[347] (en langue russe), sous la signature du camarade A. Iougov. Cette loi mérite d’être
connue, au moment où la Russie semble s’engager de plus en plus dans le conflit
européen. N’oublions pas que les soldats qui attaquent la Finlande, dans les
glaces polaires, sont des fils de cultivateurs en grande majorité. Tant vaut le
moral des campagnes, tant vaut le moral de l’armée : ceci est plus vrai en
URSS que nulle part ailleurs. Et l’impôt joue un certain rôle très appréciable
dans le moral des campagnes.
Rappelons le drame des dix dernières années. La
collectivisation totale, en soumettant le cultivateur à une administration
bureaucratique formée de membres du parti et en lui ravissant d’abord tout ce
qu’il possédait, puis tout ce que la terre produisait, fit naître chez lui de
telles réactions que ce fut la famine, la désorganisation de l’agriculture, la
terreur dans les hameaux, la disparition du cheptel… Plutôt que de livrer son
bétail au kolkhoze, c’est-à-dire à la coopérative agricole, qui n’était nullement
en réalité une coopérative, mais une administration communiste, – le paysan le
détruisait. Cette lutte entre plus de cent millions de ruraux et l’État
stalinien dura des années et fit des millions de victimes. À la fin, l’État
céda : il permit la reconstitution de la propriété privée du paysan, dans
des limites satisfaisantes, mais à l’intérieur du kolkhoze. À partir de ce moment,
l’agriculture renaît. Mais on voit le cultivateur labourer avec amour sa
parcelle, soigner son petit bétail particulier, et négliger les terres du
kolkhoze, et négliger le bétail du kolkhoze. Il eût fallu s’y attendre. L’État
prélevait la part du lion sur les revenus collectifs, mais il ménageait les
revenus individuels du
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