Retour à l'Ouest
d’État de la Guerre, de la Marine et de l’Air, communistes
tous les trois. De hauts fonctionnaires communistes dirigeaient les principaux
services des Affaires étrangères. Quatre-vingt-dix pour cent des fonctionnaires
du sous-secrétariat de la Propagande étaient communistes, à commencer par le
sous-secrétaire d’État lui-même. Le chef de la chancellerie des Affaires
étrangères était communiste, de sorte, écrit Araquistáin, que « l’ambassade
russe était informée des communications secrètes avant même qu’elles ne parvinssent
au gouvernement… »
Toute la presse – et, ajouterons-nous, la censure – était
contrôlée par les communistes… Nous savons comment fut brimé, persécuté, outrageusement
calomnié un parti ouvrier d’extrême gauche, fondé par des communistes
antistaliniens, Maurín, Nin, Andrade, Gorkin, le POUM ou parti ouvrier d’unification
marxiste. Araquistáin nous montre comment la gauche socialiste fut également
brimée et persécutée. Dès 1937, M. Negrín interdit à Largo Caballero de
prendre la parole en public, le fit arrêter sur la route entre Valence et
Alicante et consigner à son domicile. L’organe de la gauche socialiste à Madrid,
Claridad
, fondé par
Araquistáin, fut exproprié sur demande du PC. L’organe de la gauche socialiste
à Valence fut occupé par les gardes d’assaut et arraché par la force aux
militants dont il exprimait l’opinion… Araquistáin ne parle pas des assassinats,
mais il conclut que l’union sacrée des formations ouvrières et républicaines, qui
s’était formée autour de Largo Caballero en septembre 1936, fut détruite par l’intrigue
communiste. À partir de ce moment, « la guerre était perdue »… Nous
le pensâmes à l’époque, et nous fûmes du petit nombre de ceux qui, connaissant
ces faits et prévoyant leurs conséquences, dénoncèrent le crime et le péril. Nos
rares voix clamèrent dans le désert. Bien des socialistes mêmes nous désapprouvaient,
estimant qu’il fallait pour tenter de « gagner la guerre d’abord »
faire le silence sur certaines choses, feindre d’en ignorer d’autres. L’expérience
a montré combien il est funeste de pactiser, pour de semblables raisons, avec
le complot permanent contre la vérité, contre la liberté, contre le socialisme,
contre les peuples, tramé par la bureaucratie stalinienne.
Ce n’était qu’une diversion stratégique
16-17 mars 1940
Je commentais ici même, il y a peu de jours, la brochure de
notre camarade Luis Araquistáin sur
Le
Communisme et la Guerre d’Espagne
. Ce qu’elle nous apporte de plus
nouveau à méditer, c’est une explication de la politique de Staline dans la
guerre civile d’Espagne. L’hypothèse émise par Luis Araquistáin semble en tout
cas s’accorder rigoureusement avec les faits.
Les faits, on s’en souvient, en gros. Pendant les deux
premiers mois de la guerre civile, Staline s’abstient d’intervenir alors qu’une
aide énergique, même discrète, fournie à ce moment pourrait assurer la victoire
rapide des républicains. Mais Staline se méfie ; il est sans doute mal
informé par des agents incapables, les événements l’ont surpris, il manque d’assurance
et craint les complications en Occident. Il espère aussi que les républicains s’en
tireront tout seuls. Il se décide à intervenir à la fin de septembre 1936 ou au
début d’octobre et envoie aussitôt des armes, des techniciens, des agents
secrets, des généraux. La formation des Brigades internationales est poussée
avec zèle par les partis communistes.
Mais par la suite, pendant deux années, jamais les armes et
les munitions russes, bien que payées en or, au prix fort, à des prix souvent
incontrôlés, n’arriveront de Russie en quantités suffisantes. La Catalogne, cœur
de l’Espagne rouge, en manquera toujours ; et c’est en vain que ses
représentants en réclameront. Les Russes craignent visiblement l’esprit d’indépendance,
le libertarisme, l’indocilité des Catalans – et, sous divers prétextes, leur
refusent les moyens de vaincre. Ceci n’est toutefois qu’une explication locale.
Pourquoi en général tant de retard, tant de mauvais matériel, de camions à
peine utilisables, pourquoi tant d’attentes vaines ? « Jamais, écrit
Luis Araquistáin, le matériel soviétique ne fut suffisant… Pourquoi ? Il y
a là une énigme que les historiens futurs pourront seuls – peut-être –
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