Retour à l'Ouest
éclaircir. »
Dès 1937, cependant, un certain nombre d’Espagnols pensèrent que Staline ne
souhaitait pas, en réalité, la victoire de la République, car cette victoire
eût contrarié au plus haut point Hitler, avec lequel il recherchait une entente.
Staline ne pouvait pas souhaiter non plus la fin de la guerre civile, car
Hitler, absorbé par ses entreprises dans la péninsule, se serait alors retourné,
les mains libres, vers l’Europe centrale et l’URSS. Je cite l’ancien
ambassadeur d’Espagne à Paris : « Staline entendait simplement
prolonger le plus possible notre guerre pour occuper Mussolini et Hitler et
contraindre par la suite ce dernier à un accord avec l’URSS. Il ne voyait dans
la guerre d’Espagne qu’une diversion stratégique. » Ce n’est évidemment qu’une
hypothèse, mais qui force l’attention.
À Paris, en 1937, Araquistáin relate qu’il engagea de son
propre chef des pourparlers avec des personnalités allemandes et italiennes
afin d’obtenir que les deux gouvernements totalitaires se désintéressassent – moyennant
compensations – de la guerre civile entre Espagnols. Livrés à eux-mêmes, les
Espagnols eussent pu transiger, composer, faire l’économie, par une paix sans
vainqueurs ni vaincus, de dix-huit mois de massacres et de destructions. Ici et
là, les ouvertures du diplomate socialiste furent favorablement accueillies, son
plan parut réalisable. Il en informa Álvarez del Vayo, ministre des Affaires
étrangères, qui trouva ces conversations « hautement intéressantes ».
Vayo se rendait à Genève où il mit Litvinov au courant – et Litvinov s’opposa
catégoriquement à la continuation des pourparlers. « Un arrangement de
cette sorte serait, déclarait le porte-parole de Staline à la Société des
Nations, une prime à l’agresseur. » Le mot vaut aujourd’hui son pesant d’or,
hélas ! Ce qu’il disait, Litvinov le croyait peut-être, n’étant lui-même
que l’instrument passif d’un tyran fourbe qui ne confiait ses desseins
véritables à personne ; et peu nous importe. Avant de démissionner, Araquistáin
informa Negrín des possibilités de négociations avec les puissances
totalitaires ; M. Negrín, naturellement, ne songea qu’à continuer la
guerre. Il était entièrement acquis à l’influence stalinienne.
Ces révélations et ces hypothèses ne nous surprennent pas. Nous
pensons depuis longtemps que le principal souci de Staline, commandé par sa
crainte de la guerre, était de créer à la guerre des abcès de fixation en
Occident et en Extrême-Orient pour la détourner des frontières de l’URSS. Le
certain c’est que les négociations secrètes entre Moscou et Berlin prennent
bonne tournure au moment précis où la défaite des républicains d’Espagne
procure à Hitler des avantages stratégiques considérables. Staline, se
détournant alors des miliciens d’Espagne qu’il a conduits à la défaite, amorce,
dès février 1939, un accord avec le
Führer
.
L’empreinte digitale *
23-24 mars 1940
Nous pensons que les événements doivent être considérés, en
même temps que des points de vue politique et historique, sous l’angle de
certaines valeurs morales définissant l’homme, ses droits, sa sécurité et son
âme même. Nous pensons que cet angle-là est plus particulièrement celui de la
pensée socialiste.
La paix de Staline, imposée à la Finlande, appelle ainsi
trois importantes remarques.
I. – Pour la première fois dans l’histoire contemporaine une
paix est négociée sans armistice préalable… C’est dire que l’on a continué de
tuer et de détruire tout en négociant dans la capitale du plus fort. Cette
cruauté ne répond, semble-t-il, à aucune nécessité stratégique ou politique. Les
Russes, au cours des derniers combats, n’ont acquis aucun avantage marquant, mais
ils ont sacrifié sur la glace et la neige quelques centaines de combattants qui
ne doutaient pas que leur souffrance et leur mort n’avaient plus la moindre
justification.
Bafoués dans le suprême sacrifice, Staline, Vorochilov, Molotov
entendaient que l’absurde bataille continuât pendant qu’ils échangeaient avec
les négociateurs finlandais d’hypocrites poignées de mains. Pis : l’artillerie
russe a tiré sur les positions finlandaises une heure avant la cessation
officielle du feu ; l’aviation russe a bombardé Rovaniemi, brûlant quelques
habitations encore, moins de deux heures avant la
Weitere Kostenlose Bücher