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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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filles et brus soignent nos blessés dans les hôpitaux, à Charleston et à Richmond, la capitale confédérée. Personne, donc, pour s'occuper de Winnie, de qui les frayeurs et les propos défaitistes sapent le moral des domestiques, dit le planteur.
     
    Tous devinèrent que cet homme souffrait à la fois comme mari et comme patriote.
     
    Devant l'impatience sans retenue manifestée par Varina Cornfield, il fut aussitôt décidé que les Bahamiens ne prolongeraient pas leur séjour à Clarendon House.
     
    – Nous pouvons partir d'ici dès demain matin, proposa Mark Tilloy.
     
    – Pour mon épouse, le plus tôt sera le mieux, reconnut Bertie.
     
    – Ainsi, elle embarquera à bord du Phoenix demain dans l'après-midi. Mais c'est le commandant Colson qui décidera du moment où nous lèverons l'ancre. Nous devrons compter avec le cordon du blocus.
     
    – Et que se passera-t-il si les navires fédéraux interceptent votre voilier ? Vous n'aurez peut-être pas autant de chance qu'à l'arrivée, s'inquiéta Bertie III.
     
    – Le commandant Colson et notre médecin, le docteur David Kermor, ont prévu le cas. Nous demanderons à votre épouse de rester couchée dans sa cabine et de prendre, si possible, un air souffreteux. Le médecin se tiendra à son chevet et nous dirons que Varina Cornfield est une proche parente de lord Simon, et que nous la conduisons aux Bahamas où elle trouvera un meilleur climat, expliqua Tilloy.
     
    – Sûr qu'elle ajoutera : « Pour y finir ma vie. » Je suis certain que mon épouse jouera parfaitement la malade, voire la mourante. Elle a fait du théâtre au collège, dit le planteur, satisfait.
     
    – À bord, une fois le cordon du blocus franchi, nous ferons tout pour la distraire pendant la traversée, ajouta le capitaine.
     
    Bertie III remercia et, quand le majordome vint annoncer le dîner, tous passèrent à la salle à manger. Quatre domestiques, deux hommes vêtus de noir et deux femmes portant tablier et coiffe de dentelle blanche, attendaient l'ordre de servir. Dans un angle de la pièce, un tout jeune Noir faisait aller et venir, d'un geste répétitif, au moyen d'une corde et d'un système de poulies, un large écran de soie à franges, le punkah . Le panneau se balançait au-dessus de la longue table d'acajou somptueusement dressée, avec cristaux et lourde argenterie. Il en était ainsi à Cornfield Manor, sauf qu'à Soledad les petits Indiens se disputaient la manœuvre du punkah – exercice bien payé par Pibia – et qu'ils s'interrompaient souvent pour boire du jus de fruits glacé.
     
    Cet enfant au regard triste, occupé à éventer les dîneurs, apparut soudain à Charles Desteyrac comme le plus sinistre symbole de l'esclavage.
     
    – Il ne s'arrête jamais ? Il va actionner cet engin pendant tout le repas ? demanda-t-il brusquement à Varina.
     
    – S'il s'arrête, on le fouette. C'est son travail, n'est-ce pas. Mais, s'il dose bien son effort pour produire, sans interruption, une ventilation agréable, sans qu'elle soit incommodante, il aura les restes de gâteaux.
     
    – Et comment s'appelle ce garçon ? demanda Tilloy.
     
    – Comment il se nomme ? Je ne sais ! Il faudrait demander à Champagne, notre maître d'hôtel. Peut-être le sait-il. Mais je trouve votre question bizarre, dit la maîtresse de maison, visiblement étonnée que l'on pût porter autant d'intérêt à ce qu'elle considérait comme un simple élément de confort mobilier.
     
    Au cours du dîner, Varina, certaine de quitter la plantation le lendemain, se montra enjouée. Elle retrouvait sa grâce primesautière de petite fille gâtée et, tandis qu'elle échangeait avec Ottilia et Gertrude des propos ponctués d'éclats de rire, son mari décrivit, pour Charles Desteyrac et Mark Tilloy, la situation présente des planteurs.
     
    – En Caroline du Sud, un tiers des surfaces cultivables était, jusqu'à la guerre, dévolu au coton dont nous produisions, bon an, mal an, cinquante millions de livres, ce qui représentait près de soixante pour cent des exportations de l'État. Nous avons, cette année, planté moins de coton, parce que nous devons réserver la moitié de nos terres au blé, au maïs, à la canne à sucre, au tabac et à d'autres cultures de première nécessité. J'essaie même d'obtenir du thé. Le premier a été récolté à Wadmalaw, à quinze miles d'ici, par un botaniste français, en 1799, mais nous avons longtemps négligé

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