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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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cette culture, dit Bertie III.
     
    – Mais vous pouvez recevoir, par les blockade runners , les denrées qui font défaut. On en compte des centaines aux Bermudes, à La Havane et à Nassau, fit remarquer Tilloy.
     
    – Nous préférons voir arriver des fusils et des munitions, capitaine. Le Fingal nous a apporté sept mille cinq cents fusils Enfield et dix-sept mille livres de poudre à canon. Et nous attendons d'Angleterre, via les Bermudes, quatre-vingt mille Enfield, vingt-sept mille fusils autrichiens, deux mille cent fusils anglais et cent vingt-neuf canons 5 . Cela nous coûte très cher, mais nous pouvons nous passer de whisky à un dollar le gallon, de café à quarante cents la livre, moins aisément de farine, qu'on vend trois dollars le quintal, et de sel, qui atteint ces jours-ci le prix exorbitant de quatre dollars et demi le tonneau. Mieux vaut nous envoyer de la poudre et des balles que du champagne et des fanfreluches pour les dames ! ajouta le planteur, rageur.
     
    Il savait quel genre de cargaisons faisaient venir de Grande-Bretagne et expédiaient de Nassau son cousin Simon et l'honorable Malcolm Murray.
     
    – Est-il exact que certains Confédérés continuent à commercer avec les gens du Nord ? demanda Desteyrac.
     
    – Hélas, oui ! Ce sont des gens dont la seule patrie est le dollar. Les contrebandiers passent aisément du Sud au Nord, et il existe de petits planteurs corrompus qui continuent à céder du coton aux filateurs du Massachusetts au prix de cent dollars la balle. Chez nous, des négociants font venir de Boston du café, du sel et du lard, vendus ici cinquante fois plus cher qu'ils ne valent. Cependant, certains intermédiaires nous sont utiles. Ainsi, avec quelques amis, nous employons les services de Richard Wilson, un petit épicier de Georgie qui est en train de faire fortune. Il nous fournit médicaments, cuir, papier, encre. Pas d'armes, car ce serait pour lui trop risqué. Il est en rapport, à Nassau, avec des forceurs de blocus, mais aussi avec des contrebandiers des États du Nord. C'est un homme d'affaires habile. Il aide la Confédération tout en s'enrichissant, révéla Bertie III.
     
    Comme la conversation revenait sur les opérations militaires en Virginie, dans les Carolines et sur le Mississippi, Bertie III confia, à voix basse pour ne pas attirer l'attention de sa femme, qu'on préparait à Charleston l'évacuation des huit cloches du carillon de Saint Michael's Episcopal Church qui rythmaient la vie de la cité depuis plus d'un siècle 6 .
     
    – Nous allons les mettre à l'abri à Columbia, qui n'est pas menacée, car nous craignons, à Charleston, les bombardements de la flotte fédérale qui va être dotée de nouveaux canons de 47, à plus longue portée, confia-t-il.
     

    Après le dîner, alors que Bertie III s'était retiré, que Varina mettait la dernière main à ses bagages avec l'aide de Gertrude Lanterbach, Mark Tilloy et Charles Desteyrac se retrouvèrent sur la galerie. Ayant bourré leur pipe – Bertie Cornfield s'était excusé de ne pouvoir offrir ni cigares ni porto –, ils échangèrent leurs impressions sur le malaise que tout deux ressentaient du fait d'être servis par des esclaves souriants et volontiers obséquieux.
     
    – L'enfant qui manœuvre cet éventail suspendu au plafond de la salle à manger, sans jamais s'interrompre, m'a fait pitié, dit Charles.
     
    – Et encore, mon ami, il appartient à la caste privilégiée des serviteurs de la maison. Ils ont une bien meilleure vie et jouissent de plus de considération que les nègres des champs, soumis aux brutalités des contremaîtres et de l'intendant, précisa le marin.
     
    L'apparition soudaine de lady Ottilia surprit les deux amis.
     
    – Quelle belle nuit ! observa Mark, désignant le ciel étoilé du tuyau de sa pipe.
     
    Dans la pénombre, Charles remarqua chez Otti une gravité inhabituelle. Elle releva assez sèchement la banale remarque de Tilloy.
     
    – C'est aussi une nuit de guerre, dit-elle.
     
    – Certes. Ni la première ni la dernière, sans doute, renchérit le marin.
     
    – Quelque part, des hommes s'entretuent. D'autres souffrent des blessures reçues. Je viens de parler avec mon cousin Bertie. Il m'a rapporté des choses horribles. Savez-vous qu'en quelques jours, au mois de mai, en deux batailles, à Seven Pines et Fair Oaks, en Virginie, on a compté plus de deux mille morts et plus de six mille blessés ? Les

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