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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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volonté soudaine que je perçois comme un coup de tête ?
     
    La jeune femme demeura un instant silencieuse, fixant l'allée de gravier qui, partant du pied de l'escalier, se perdait, tel un chemin sans but, dans l'obscurité des frondaisons. Elle dégagea son bras de la main de Charles et lui fit face, le regard étincelant.
     
    – Ce n'est pas un coup de tête ! Je veux maintenant faire quelque chose de ma vie. Ne plus me sentir inutile. Mon existence est vaine, vide, insipide. Je ne sais rien faire, pas même des enfants ! Passer les jours, les mois, les années, tel un animal domestique solitaire, décoratif, choyé, ce n'est pas vivre. Si je m'interroge, je ne me trouve aucune raison d'exister. Vous pouvez comprendre cela, non ? lança-t-elle, au bord de la colère.
     
    – Cela, je le comprends. Alors, bien que votre décision m'effare et me peine, marchez résolument sur la voie que vous avez choisie. Peut-être y trouverez-vous cette raison d'exister dont l'absence vous hante, la quiétude et l'acceptation de vous-même. Peut-être rencontrerez-vous l'autre lady Ottilia qui est en vous et que je crois, moi, déjà connaître, se résolut à dire Desteyrac.
     
    – Et si je m'égare, me sens soudain perdue, plus étrangère encore dans ce monde violent, plus inutile, plus seule ? Charles ! Qu'adviendra-t-il de moi ?
     
    Il perçut dans l'aveu de cette perspective d'échec, exprimée d'une voix blanche, une réelle angoisse, mais aussi un appel.
     
    – Alors vous reviendrez à Soledad. Je vous y attendrai, murmura-t-il.
     
    Sans un mot, elle posa un baiser sur la joue du seul homme de qui elle eût jamais été éprise, et disparut dans la pénombre du hall.
     
    Le bruit de son pas sur les dalles décrut rapidement, et retomba le silence de la nuit. « Ainsi s'annoncent les absences », pensa-t-il en bourrant une dernière pipe, car le sommeil serait long à venir.
     
    1 Département français devenu Seine-Maritime en 1955.
     
    2 Marcus Annaeus Lucanus, dit Lucain (Cordoue, 39-Rome, 65), poète latin, neveu de Sénèque le Philosophe et contemporain de Néron.
     
    3 Comte.
     
    4 1821-1891. Juriste, homme politique démocrate, promu général en 1862 pour avoir assuré le recrutement de quatre régiments, il fut destitué en 1864, après un procès en cour martiale pour complicité de fraude et d'escroquerie portant sur les primes attribuées aux recrues de l'armée fédérale. Après la guerre, il fut néanmoins réélu comme représentant de New York au Congrès.
     
    5 Cette cargaison d'armes allait parvenir aux Sudistes en février 1863.
     
    6 Transportées à Columbia, les cloches furent si gravement endommagées, lors de l'incendie et du pillage de la ville par les Nordistes, en février 1865, qu'il fut nécessaire de les envoyer en Angleterre où elles furent refondues. Elles reprirent leur place en 1870 dans le clocher de Saint Michael's Episcopal Church.
     

5.
     
    – C'est exquis ! Otti aurait-elle du cœur ? s'exclama, hilare, Malcolm Murray.
     
    Lors de leurs retrouvailles à Charleston, Charles venait de lui apprendre qu'Ottilia restait à terre pour soigner les blessés de l'armée confédérée.
     
    Desteyrac trouva la réflexion déplacée et le dit.
     
    – Question blessante ! Comment douter de son émotion devant la souffrance humaine, Malcolm ?
     
    – Mon ami, mon ami ! Ne soyez pas dupe ! C'est encore une manigance de notre charmeuse. Je ne crois pas à un subit apitoiement d'Otti pour les blessés de guerre. Elle ne saurait s'apitoyer sur des esclavagistes, même mourants. La vraie raison de cet engouement m'échappe, mais elle est certainement autre. À mon avis, nous ne tarderons pas à la découvrir.
     
    – Je crois, moi, à la sincérité de son engagement. Vous connaissez une certaine Ottilia depuis l'enfance, mais il en existe une autre dont vous ignorez – ou ne voulez pas imaginer – la nature. Je sais qu'ensemble vous avez « parcouru le long labyrinthe du péché 1  », partagé, en rebelles à votre caste, les mêmes défis et jeux pervers, mais elle n'a pu, comme vous, atteindre à la satiété des plaisirs, la nature la privant, nous le savons, du plus banal. Je n'ai pas oublié l'affaire des bijoux, avec l'oncle libidineux, ni le mépris souvent affiché par lady Ottilia pour qui « n'est pas né », comme disent nos aristocrates. Mais cette femme en cache une autre qui, parfois, tente de supplanter celle que nous

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