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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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quand bon lui semblait, et aussi le temps de lire, de se baigner, de pêcher, de méditer comme il aimait à le faire. Rien ne lui manquait dans un des plus beaux sites du monde, sous le plus enviable climat.
     
    De ce bizarre malaise de l'esprit, fait de doutes plus que de craintes, il n'osait s'ouvrir à quiconque, surtout pas à sa femme. Ounca Lou eût imaginé chez son mari un regret du libre célibat, les prémices d'un détachement, la soudaine pesanteur des liens tissés avec Soledad, une envie de fuir l'enfermement insulaire. Il ne pouvait pas plus se confier à Malcolm Murray. Ce viveur fantasque et désabusé, avide de sensations perverses, eût cru reconnaître chez son ami la même lassitude d'une existence sans aléas qu'il ressentait lui-même et soignait par des escapades à Nassau, des séjours à New York, des expéditions libertines dans les petites îles où il jouait à séduire, pour les déflorer, d'innocentes fillettes.
     
    Quant à lord Simon Leonard Cornfield, seigneur du concret, persuadé de gérer au mieux une sorte de paradis terrestre pour ceux qu'il aimait, il eût mis les états d'âme de Charles au compte d'un besoin de changer d'air, d'un refus passager de la routine... ou d'une mauvaise digestion !
     
    Mark Tilloy, lui, paraissait trop superficiel, le major Carver trop sérieux, le commandant Colson trop puritain, Uncle Dave trop cynique pour recevoir de si naïves confidences. Quant à Lamia, sur la tendre affection de qui il savait pouvoir compter, la révélation de ses troubles pensées eût engendré chez elle inquiétude et appréhension pour l'avenir de sa fille adoptive.
     
    Ottilia l'eût peut-être aidé à analyser cette sorte de déréliction, mais elle avait choisi de courir, sans tenir compte de son avis, une étrange aventure. Charles refusait de s'avouer que l'absence d'Otti banalisait son bonheur en lui ôtant originalité et substance. Sans motiver seul sa mélancolie présente, l'éloignement de cette femme qui lui inspirait un sentiment qu'il aurait été incapable – ou qu'il aurait craint – de définir, n'était cependant pas étranger à son spleen.
     
    Il en vint à la conclusion que, seul sur l'île, le père Paul Taval, français comme lui, bon vivant, mystique à sa manière, sans préjugés ni hypocrisie, dont les mœurs pouvaient cependant scandaliser certains, serait capable d'écouter, peut-être de comprendre et d'expliquer une telle anxiété, réelle ou imaginaire prise de conscience de l'inanité de toutes choses, même des plus agréables, jusque-là masquée par les enchantements exotiques.
     
    Un matin, sous prétexte d'un relèvement de plan à effectuer – car lord Simon venait de le charger d'établir une carte physique de Soledad –, Charles se mit en selle et gravit le mont de la Chèvre, jusqu'à l'ermitage du prêtre de qui on ne savait toujours pas s'il était ou non interdit par Rome.
     
    Il trouva l'ermite assis à l'ombre de la tonnelle de bambou sous laquelle il passait le plus clair de ses journées, en compagnie alternée d'eau fraîche et de boissons alcoolisées. Après quelques considérations sur les derniers événements de la guerre civile qui ensanglantait les États-Unis et sur la prospérité suspecte que les échanges, armes contre coton, servis par les forceurs de blocus, apportaient à Nassau, Charles dévoila la raison de sa visite impromptue.
     
    – Je suis venu pour avoir avec le plus sage des ermites libres une conversation sérieuse et confidentielle, dit-il.
     
    Paul Taval apprécia la suave ironie de Desteyrac et demanda avec une feinte onction, les mains croisées sur la bedaine, tel un prélat, si son visiteur voulait être entendu en confession.
     
    – En compassion seulement, répondit Charles.
     
    – Seigneur, un malheur vous frappe-t-il ?
     
    – Non, rassurez-vous. Je veux simplement vous faire part de pensées qui me viennent de temps à autre et dont l'absence apparente de fondement me trouble. J'attends de vous et, bien que j'ignore ce qui vous a conduit sur l'île, de votre expérience, une réflexion propre à m'éclairer. Voilà !
     
    Le père Taval invita Charles à s'asseoir en face de lui et ordonna à Manuela, qui, curieuse de voir le visiteur, était sortie de la maison, d'apporter ce qu'il nomma comme toujours « la dernière bouteille de notre cave ». À la vue de la gouvernante une nouvelle fois enceinte, Charles sourit.
     
    – Manuela continue à

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