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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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peupler l'ermitage, observa Charles quand la jeune femme se fut éloignée.
     
    – Que voulez-vous, son plaisir est d'être mère, entourée de nombreux enfants. On ne peut le lui refuser, n'est-ce pas ? On vous dira dans le Cornfieldshire que je suis le seul père de cette volée de bambins, mais rien n'est moins sûr ! dit Taval, aussi malicieux qu'indulgent.
     
    – Votre humanité, alliée à votre sagesse, fait de vous le confident idéal pour un homme qui ne sait parfois que penser de lui-même, enchaîna Desteyrac.
     
    Le père Taval servit avec grande précaution le vin blanc, fit signe à Manuela de disparaître, et, après un temps de réflexion, se pencha vers Charles.
     
    – Votre confiance m'honore, comme m'honore depuis longtemps votre amitié. Mais savez-vous si je suis digne de l'une comme de l'autre ? Vous ignorez tout de mon passé et, comme vous l'avez dit, des raisons qui m'ont conduit à Soledad. Je pourrais être un criminel, un voleur de grand chemin, un sodomite, un ancien pirate, comme ce bon moine qui repose dans la chapelle et de qui vous avez habilement percé le secret, faisant mettre au jour cette tête de cristal de roche qu'il tenait pour miraculeuse.
     
    – À ce jour, elle est toujours dans le cabinet de travail de lord Simon et n'a pas fait de miracle, l'interrompit Charles que ce préambule amusait.
     
    D'un geste, Taval arrêta ces considérations et revint à son cas.
     
    – Avant que vous ne me livriez vos pensées intimes et, peut-être, vos doutes métaphysiques, mon ami, je veux que vous sachiez ce que fut mon crime. Quand vous le connaîtrez, vous jugerez si je suis encore digne d'être votre confident, à défaut de pouvoir être votre confesseur.
     
    Paul Taval but une gorgée de vin et, la main posée sur la tête de Rex, venu s'asseoir aux pieds de Charles, se livra.
     
    – Il y a bien longtemps, mes supérieurs s'accordaient pour me prédire un grand avenir dans la Compagnie de Jésus où j'étais entré fort jeune pour me faire une position, le droit d'aînesse me privant de tout héritage de mes parents, le comte et la comtesse Taval de Péridon, nobliaux bourbonnais sans fortune. Après des années de séminaire, d'études théologiques et la prêtrise, je fus délégué comme professeur, ainsi qu'il est de règle, dans les collèges de la Compagnie. J'enseignai le latin et le grec dans différents établissements, à travers la France, et formai aussi des chorales, ma mère, bonne pianiste, m'ayant appris le solfège et la musique. Je me voyais à la veille d'accomplir ce que nous nommons « le troisième an » – une année de séminaire identique à la première vécue, destinée à rendre au jésuite l'humilité que la fréquentation du monde aurait pu lui faire perdre, le remettre en somme dans la pleine orthodoxie et lui rappeler qu'il faut obéir perinde ac cadaver 2  –, quand on me demanda de diriger, lors des fêtes de la Vierge, à Lyon, une chorale de jeunes filles. L'une d'elles, plus délurée qu'on pouvait croire, m'aguicha – en ce temps, j'étais plutôt bel homme – et me plut si fort que, trahissant le vœu de chasteté, je succombai à la tentation que j'avais déjà eu bien du mal à combattre. Le bruit s'en répandit dans l'institution et, quand mes supérieurs trouvèrent dans ma chambre une culotte de dentelle oubliée, peut-être volontairement, par ma dulcinée, le choix me fut donné de m'enfermer trois ans dans la plus triste de nos jésuitières provinciales ou de quitter la Compagnie, tandis qu'on demanderait à Rome mon interdiction d'administrer les sacrements – laquelle interdiction ne m'a d'ailleurs jamais été notifiée. Je choisis alors la liberté et, nanti d'un petit viatique offert par un oncle agnostique et compréhensif, je m'embarquai pour Cuba où l'un de mes amis d'enfance, marié à une riche Espagnole, possédait une plantation de canne à sucre. Il m'accueillit et me donna un emploi de comptable dans ses sucreries. Au bout d'un an, j'étais fâché avec lui et avec toute la colonie espagnole pour avoir pris fait et cause pour les esclaves maltraités que je recevais sous mon toit afin de les y soigner. Les autorités cubaines me prièrent de quitter l'île. Un bateau de lord Simon, alors propriétaire d'une plantation à Matanzas, partait pour Soledad. On m'accepta à bord et ce brave lord, qui est la tolérance et la générosité mêmes, m'offrit d'occuper l'ermitage où nous

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