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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Charles Desteyrac le partageait. La duplicité britannique dans le conflit fratricide qui opposait les Bleus aux Gris – attitude qu'il retrouvait plus évidente chez Cornfield et chez Murray quand ils traitaient leurs affaires – le mettait mal à l'aise depuis des mois. L'affirmation de neutralité répétée par Sa Très Gracieuse Majesté la reine Victoria et son gouvernement était toute d'hypocrisie. La construction navale britannique aidait le Sud en produisant, dans les chantiers de la Mersey, des bateaux capables de franchir le blocus fédéral et de rapporter du coton aux manufactures anglaises. Les fabricants d'armes et de munitions avaient doublé leur production et faisaient de bons bénéfices en armant les esclavagistes à qui d'autres industriels livraient chaussures, couvertures, médicaments et même uniformes. Mais, dans la conjoncture, Desteyrac ne pouvait que taire une approbation qui eût été désobligeante pour ses amis.
     
    Lewis Colson, qui connaissait l'opinion de Charles, interpréta son silence et intervint.
     
    – Avec tout le respect que l'on doit à un combattant valeureux et malheureux, je vous demande seulement, commandant, une brève entrevue avec lady Ottilia pour lui remettre un message de son père, ainsi qu'un peu de thé dont elle doit être privée, j'imagine, insista Colson.
     
    – Nous-mêmes sommes privés de thé, de café et de bien d'autres choses qui faisaient le charme et les plaisirs de la vie, jeta aigrement le commandant.
     
    – Que vous nous autorisiez ou non, le major Edward Carver et moi, à rencontrer lady Ottilia, je vous ferai porter quelques caisses de thé et un sac de bon café, ainsi que quelques flacons de vieux porto pour adoucir votre sort, dit Colson.
     
    Le blessé parut réfléchir un instant.
     
    – Personnellement, je ne puis rien accepter de la famille d'une prisonnière. C'est au mess des officiers qu'iront vos cadeaux. Et puis, votre démarche est inutile, messieurs. Je prend la liberté de vous apprendre qu'Ottilia Murray – car tel est bien son nom d'épouse, n'est-ce pas ? – a quitté la prison de Wilmington.
     
    – Où l'a-t-on envoyée ? s'inquiéta Charles.
     
    – Elle a reçu, il y a plusieurs jours déjà, la visite d'un de ses parents, un cousin, sir Bertie Cornfield, planteur sur l'Ashley et membre du Sénat de Caroline du Sud. Un homme influent dont tous les fils sont soldats et les filles, infirmières. De vraies infirmières, elles ! La prisonnière avait demandé qu'on prévînt ce parent de son arrestation. Sir Bertie a eu une longue conversation avec notre procureur militaire et il a obtenu que sa cousine, de qui il ne pense pas grand bien, croyez-moi, soit transférée à Richmond, révéla l'officier à l'ébahissement de ses visiteurs, frappés de mutisme.
     
    – D'ailleurs, sir Bertie Cornfield est encore à Wilmington, ajouta le commandant.
     
    – Où pouvons-nous le rencontrer ? demanda Edward Carver.
     
    – Il habite notre meilleur hôtel, derrière la Bourse du Coton. Mon ordonnance va vous mettre sur le chemin, dit l'officier, conciliant.
     
    Puis il saisit ses béquilles pour se mettre debout et reconduire les Bahamiens.
     

    Colson, Carver et Desteyrac durent attendre un moment le retour de Bertie III, qui ne parut pas autrement étonné de les voir assis dans le hall de son hôtel.
     
    Ceux qui gardaient le souvenir d'un homme de belle prestance, élégant et sûr de lui, se trouvèrent en présence d'un vieillard au souffle court, courbé sur une canne, qui serra les mains et se laissa tomber dans un fauteuil.
     
    – Bien sûr, vous êtes là pour cette folle d'Ottilia. Elle risque la pendaison, vous savez. Le tribunal militaire de Richmond ne plaisante pas avec les espionnes. On lui épargnera peut-être la corde en la faisant fusiller, développa le planteur d'une voix cassée par la fatigue mais avec, dans l'œil, une lueur malicieuse qui atténuait le sinistre propos.
     
    – Nous sommes venus pour la tirer de là, par la force si nécessaire ! s'écria Carver.
     
    – Vous vous feriez tuer, mes amis. Nos troupes ont trop souffert ces temps-ci. J'ai moi-même perdu un fils, la semaine dernière, à Chancellorsville. Alors, pour les espionnes, vous comprenez : pas de pardon !
     
    – Mais vous ne pouvez pas laisser exécuter Ottilia. Lord Simon ne vous le pardonnerait jamais ! Nous ne vous le pardonnerions pas non plus, dit Charles, véhément.
     
    Un

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