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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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débarras ! se contenta de répondre le lord.
     
    Quand Varina se présenta, poussant devant elle le fauteuil à roulettes d'Ann Cornfield, tous les convives se demandèrent quelle allait être l'attitude de la Sudiste. Comme tous les intimes, elle savait en effet qu'Ottilia avait espionné pour le compte du Nord, et que cette soirée lui était dédiée.
     
    Celle qui était encore l'épouse de Bertie III Cornfield choisit d'ignorer la présence d'Otti et ne lui accorda pas un regard. Pour Varina, la fille de Simon n'avait fait, en espionnant pour le compte des Fédéraux, que traduire en actes audacieux, indignes d'une lady, les principes antiesclavagistes prônés par lord Simon et toute la société britannique dont elle se sentait exclue.
     
    Dès la première nuit de son retour, Malcolm Murray l'avait rejointe discrètement et s'était engagé à la conduire à Nassau dès que possible.
     
    Comme elle ignorait encore, à la fois sa répudiation et le rôle joué par son mari dans la libération d'Ottilia, elle répandait le bruit que l'épouse de l'architecte avait usé de ses charmes pour séduire un geôlier et s'évader.
     
    Habile et convaincant en affaires, ayant à Washington assuré au mieux les intérêts Cornfield, Malcolm bénéficiait, depuis son retour, d'un regain de considération de la part de Simon Leonard. Le paquet d'actions des compagnies de chemins de fer engagées dans la construction du réseau transcontinental, acquises au meilleur prix, ouvrirait droit à subvention proportionnelle du gouvernement.
     
    – Que ce foutu train roule ou ne roule pas, nous aurons toujours ça ! s'était réjoui le lord.
     
    Ce soir-là, dès le premier service, le maître de maison, comme pour montrer que le séjour de son gendre dans la capitale fédérale avait revêtu un caractère quasi diplomatique, voulut lui faire dire devant tous ce qu'il retenait d'une visite à la Maison-Blanche, et comment lui était apparu le président Abraham Lincoln.
     
    – Il est grand, peut-être de six pieds trois pouces. Il paraît gauche, assez emprunté, avec un regard profond et mélancolique. Il a la bouche comme un passe-boules, de la barbe au menton, des bras immenses ou des manches trop courtes à son habit de clergyman, de grands pieds, et je dirais de son allure générale qu'elle est dégingandée. On devine qu'il reste en lui quelque chose du bûcheron, du charpentier, de celui qui a longtemps travaillé de ses mains, décrivit Malcolm.
     
    – On sait qu'il naquit dans une cabane forestière, bâtie à coups de hache par son grand-père, lequel fut tué par un Indien, et qu'il perdit sa mère quand il avait dix ans, précisa le major Carver.
     
    – C'est peut-être cette modeste origine qui lui fait accepter les visites, deux fois par semaine et sans audience, des citoyens qui se présentent à la Maison-Blanche. On dit ainsi à Washington qu'on va serrer la main du Président, rapporta Murray.
     
    – C'est bien ça, la démocratie républicaine ! s'esclaffa lord Simon.
     
    – N'est-ce pas une bonne chose ? interrogea Charles.
     
    – La démocratie convient peut-être à certains peuples, mais les façons de ce Lincoln ne sont pas d'un homme d'État, mon ami. Un régime dont le chef se montre à tout venant, serre la main d'inconnus de toute condition, discute avec des quémandeurs, relève de la démagogie plus que de la démocratie. Celui qui détient le pouvoir, même s'il l'a reçu du suffrage des citoyens, doit, au contraire, rester distant de tous, s'entourer d'un certain mystère qui incite au respect – « faire le sphinx », comme disait mon père – et n'écouter que des conseillers compétents et sûrs, sans pour autant suivre aveuglément leur avis. Personne ne doit connaître ses pensées ni subodorer ses décisions avant qu'il ne les divulgue lui-même au cours d'apparitions exceptionnelles. Gouverner, c'est surprendre aussi bien ses opposants que ses partisans, observa lord Simon.
     
    C'était bien la manière dont lord Simon gouvernait Soledad. Mais pouvait-elle s'appliquer à une nation de trente-deux millions d'habitants de races diverses et d'origines multiples ? se demanda Desteyrac.
     
    – Ses opposants disent justement que c'est pour plaire aux abolitionnistes les plus virulents, et à nous autres Anglais, que Lincoln a accepté de transformer officiellement ce qu'on nommait jusque-là « répression de la rébellion du Sud » en « croisade

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