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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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à la demande du capitaine, la traversée, de New Providence au plus grand port de la Caroline du Nord, soit six cent quarante milles, durerait au moins cinquante heures si l'état de la mer permettait une vitesse moyenne de douze nœuds.
     
    – Je conseille d'approcher de nuit l'embouchure de Cape Fear River et les cordons de surveillance de la marine fédérale. Les Fédéraux savent que c'est dans l'obscurité, surtout par les nuits sans lune, que les blockade runners ont le plus de chances de passer inaperçus. Le moment le plus favorable se situe quelques heures avant l'aube. Les guetteurs sont fatigués, moins attentifs, parfois éméchés, et nous aurons une chance de ne pas être tout de suite repérés. Mais, avant d'en arriver là, dès que nous quitterons les eaux territoriales bahamiennes, c'est-à-dire britanniques, à trois milles au nord de Little Abaco, nous pourrons rencontrer des patrouilles de Yankees qui évoluent sur le Gulf Stream, prévint le pilote.
     
    Malgré l'inconfort, ce fut dans la bonne humeur que l' Arawak mit cap au nord pour pénétrer dans l'Atlantique en passant entre Great Abaco Island et Grand Bahama Island.
     
    Pendant quarante-huit heures de navigation sans alerte dans les eaux internationales, les passagers apprécièrent, comme Lewis Colson, la maîtrise de Mark Tilloy. Le capitaine évita de fatiguer les machines en limitant la vitesse à douze nœuds et demi afin de pouvoir pousser les feux quand il s'agirait de distancer les bateaux fédéraux.
     
    Au crépuscule du troisième jour, alors qu'un croissant de lune malveillant s'inscrivait sur un ciel clair, l'homme de vigie signala « à deux heures » la silhouette d'un grand navire à l'ancre. Le pilote reconnut dans ses jumelles la frégate amirale Minnesota , qu'il dit armée de soixante canons.
     
    – Barre quarante-cinq à droite, ordonna Mark au timonier.
     
    – C'est la tactique des Américains devant Wilmington. Ils mettent à l'ancre un navire amiral assez loin des côtes et répartissent des unités, plus petites et mobiles, parfois en trois cordons, jusqu'à l'embouchure de Cape Fear River. À l'heure qu'il est, une demi-douzaine de corvettes, de bricks ou de goélettes sont aux aguets ou patrouillent. Quand nous les approcherons, si vous voyez une fusée monter de la mer, c'est que nous sommes repérés, expliqua le pilote.
     
    Il fut ordonné d'éteindre sur-le-champ toutes les lumières du bord, et même interdit d'allumer un cigare. Tilloy fit couvrir les écoutilles d'une bâche afin de masquer la clarté de la chaufferie. Puis, il fit ralentir l'allure pour réduire le battement sonore des roues à aubes. Il demanda au timonier, qui avait bien du mal à lire le compas dans l'obscurité, de ne répéter ses ordres qu'à voix basse.
     
    Le pilote approuva ces consignes et demanda à tous les passagers et marins disponibles de se tenir à la lisse, sur les deux bords, et de surveiller la mer.
     
    – Des nuages viennent de la terre. Attendons un peu pour avancer. Dès qu'ils cacheront la lune, vous marchez, capitaine ! Il m'est arrivé de passer à moins de cent mètres d'un bateau fédéral sans être vu, dit le pilote.
     
    Dès lors, le marin préposé à la sonde ne fit plus que chuchoter les mesures et quand, enfin, le croissant de lune disparut provisoirement derrière un amas de nuages bas, Tilloy ordonna de pousser les feux. L' Arawak réussit ainsi à se faufiler entre deux corvettes, distantes d'un mille l'une de l'autre, dont les silhouettes se distinguaient à peine, ombres d'un ton plus sombres que l'ombre de la nuit. De l'un des bateaux montaient des chants et des rires.
     
    – Ils arrosent peut-être une prise, observa David Kermor.
     
    – Chantez ! Chantez plus fort, mes gaillards ! Ça nous arrange ! dit Tom O'Graney.
     
    Ce premier barrage franchi, Tilloy ordonna aux chauffeurs de pousser les feux jusqu'à la limite de surchauffe inscrite sur les chaudières. La vibration des tôles confirma bientôt l'annonce du loch : l' Arawak filait plus de quatorze nœuds et laissait un sillage que la lune, soudain dévoilée, transforma en coulée d'argent.
     
    – De quoi nous faire repérer, dit le pilote.
     
    – Ce n'est pas un navire, c'est une marmite ! murmura Colson, émerveillé par la vitesse atteinte, mais craignant l'explosion des chaudières.
     
    Quand Tom O'Graney lança « navire à babord », le timonier mit la barre à droite et l' Arawak se

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