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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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et nantie d'un modeste bagage. Son teint blême et ses beaux yeux pers, cernés de bistre, révélaient une grande fatigue physique et une profonde détresse morale. Elle semblait avoir oublié le sourire et, quand elle s'adressa au Bahamien chargé de recevoir le sac du courrier, sa voix se révéla à peine audible. Elle souhaitait être conduite à Cornfield Manor, « chez mon parent, lord Simon Leonard Cornfield », précisa-t-elle.
     
    – Je vais prévenir Monsieur le Commandant du port, dit le mulâtre en s'éloignant avec son fardeau.
     
    Comme celles que les revers ont accoutumé à la résignation, elle s'assit sur un madrier, ôta sa faille noire, secoua sa chevelure déferlante et attendit.
     
    Le commandant du port, rond et suant, arriva sur ses courtes jambes, fronçant le sourcil. Comment cette fille, genre pauvre orpheline aux vêtements fripés, à l'air maladif, pouvait-elle être parente de lord Simon ? Sans doute une quémandeuse, qui devait mentir pour forcer la porte du trop généreux lord des Bahamas.
     
    – Ainsi, mademoiselle, vous connaissez lord Simon Cornfield ?
     
    – Je suis sa cousine. J'arrive de Charleston. Ça vous suffit ? Trouvez-moi une voiture, c'est tout ce que j'attends de vous.
     
    Le ton était sec, presque arrogant. « Encore une de ces péronnelles sudistes, habituées à commander aux esclaves », se dit l'homme, révisant sa première impression.
     
    – On dit ici que Charleston est, depuis deux semaines, aux mains de l'armée fédérale, dit-il sans cacher la satisfaction que lui causait cet événement.
     
    – Les Yankees ont détruit la ville et tué beaucoup de ses habitants, je vous le confirme si cela peut ajouter à votre plaisir de voir le Sud anéanti, rétorqua-t-elle.
     
    Gêné par le regard flamboyant de la jeune fille, il héla son commis et donna ses ordres à voix basse pour ne pas être entendu de l'intéressée.
     
    – Tu vas conduire cette jeune personne à Cornfield Manor et t'assurer qu'elle y est bien attendue. Dans le cas où lord Simon ne voudrait pas la recevoir, tu la ramènes ici et on la rembarque ce soir sur le bateau-poste. Compris ?
     
    C'est dans la charrette du courrier que Myra, la plus jeune fille de Bertie III Cornfield, fit son entrée dans le parc de Cornfield Manor, en cette saison superbement fleuri.
     
    Entendant rouler une voiture sur le gravier, Pibia apparut sur la galerie. Voyant une femme à côté du commis, il descendit l'escalier et s'approcha.
     
    – Je suis la fille de sir Bertie III, le cousin de lord Simon. J'arrive de Charleston, dit-elle.
     
    – Bien sûr, mademoiselle. Comme vous devez être fatiguée ! dit Pibia en voyant la mine défaite de la jeune fille.
     
    On savait depuis plusieurs jours, à Cornfield Manor, que le général Robert Lee avait fait évacuer la ville de Charleston, à demi détruite par les bombardements. Lord Simon ne cachait pas son inquiétude pour le sort de Bertie III, l'« esclavagiste de la famille ».
     
    Comme Myra peinait à descendre de la charrette, le majordome la prit dans ses bras pour la déposer à terre. C'est alors qu'elle perdit connaissance.
     
    – Apporte son bagage sur la galerie, dit Pibia en gravissant l'escalier, chargé de la visiteuse inconsciente.
     
    – Vous la gardez ? demanda le commis.
     
    – Bien sûr, imbécile ; cette demoiselle est la cousine de lord Simon !
     
    Prévenu, Simon Leonard trouva la visiteuse allongée sur le canapé du grand salon. L'épouse de Pibia, gouvernante du manoir, tamponnait le front de la jeune fille avec un linge imbibé d'eau sédative. Reprenant conscience, Myra voulut se redresser. Simon l'en empêcha.
     
    – Il faut que je vous dise, cousin : mon père est mort et...
     
    – N'en dites pas plus pour l'instant. Après cette triste nouvelle, le reste peut attendre. On va vous préparer un lit et un bain. Vous allez vous reposer et, quand vous vous sentirez mieux, vous sonnerez la femme de chambre. Il faudra aussi vous restaurer. Après, je vous écouterai, dit lord Simon avec bonhomie en caressant le front de sa petite cousine.
     
    Myra apparut à l'heure du dîner, auquel, ce soir-là, étaient conviés Malcolm Murray, de qui l'épouse voguait vers l'Angleterre, lady Lamia et Edward Carver, que lord Simon appelait « les jeunes mariés », le pasteur et Margaret Russell.
     
    On vit combien Myra, qui avait rosi ses joues de fard, pour masquer son teint pâle, et

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