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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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l'Anglais, avec qui il partageait une passion pour l'Antiquité et les mythologies grecques et romaines.
     
    Ainsi, à la fin de l'après-midi, comme pour tromper la mélancolie à laquelle Malcolm craignait de voir Charles s'abandonner à l'heure du repos, l'architecte, baissant le ton, tel un conspirateur, invita l'ingénieur à le suivre dans le pavillon de brique qui, au fond du parc, abritait son atelier et sa garçonnière.
     
    – Je vais vous montrer ce que personne n'a vu : la pièce la plus cachée d'Exile House, la plus secrète de Soledad, dit-il à voix basse.
     
    Malcolm entraîna Charles jusqu'au vaste cabinet d'études, rez-de-chaussée du bâtiment où il travaillait à ses projets de construction. Tirant une clef de son gousset, il ouvrit la porte d'un placard, dont il fit pivoter les rayonnages, chargés de plans et de dossiers, pour dégager, dans le fond du réduit, une autre porte, au chambranle si bien ajusté qu'on ne pouvait la distinguer de la cloison. Une moulure mobile dissimulait une clenche, que Malcolm fit jouer pour libérer le battant. Charles aperçut alors une descente d'escalier aux marches couvertes d'un tapis. Murray prit, sur un guéridon, une lampe à huile, qu'il alluma sans vouloir remarquer l'étonnement de son ami.
     
    – L'accès est raide : tenez la rampe, dit-il à Charles.
     
    Puis il l'invita à saisir une grosse cordelière de passementerie, retenue, de place en place, au mur tendu de damas vert par des anneaux de cuivre.
     
    – Serait-ce la caverne d'Ali Baba ? risqua l'ingénieur, habitué aux fantaisies de Malcolm.
     
    – Mieux que ça, mon cher ! Vous allez voir. Mais promettez-moi de ne souffler mot de cette visite. Vous êtes le seul, sur cette île, qui puisse apprécier mon cabinet de curiosités.
     
    – Fort bien nommé, semble-t-il, car le lieu pique la mienne, croyez-moi, Malcolm !
     
    Au bas de l'escalier, Murray pria Charles d'attendre un instant. Il ouvrit une autre porte, celle-ci lourde, épaisse, bardée de fer et pourvue d'une serrure compliquée.
     
    – Je dois donner de la lumière. N'entrez que lorsque je vous appellerai, dit-il.
     
    Fort intrigué, Charles obtempéra et demeura immobile dans la demi-obscurité, comme au théâtre quand, les quinquets éteints, on attend le lever du rideau.
     
    Invité à franchir le seuil, l'ingénieur ne put retenir une exclamation de surprise. Il se trouvait dans une grande chambre souterraine, éclairée par une douzaine de torchères. Les murs de brique disparaissaient derrière une succession de hauts placards, les uns à portes vitrées comme des bibliothèques, les autres à vantaux pleins.
     
    La première surprise passée, tandis que Murray guettait du coin de l'œil les réactions de son ami, Charles parcourut du regard le plus inattendu bric-à-brac. Le lieu tenait à la fois de l'échoppe d'antiquaire, du débarras ordonné, de l'atelier d'alchimiste. Levant les yeux, il vit, suspendu au plafond, ailes éployées, un flamant rose, un anhinga, oiseau-serpent dont les Arawak redoutaient l'apparition, annonciatrice de malheur, un héron bleu, une aigrette blanche, des chauves-souris et d'autres volatiles, naturalisés avec art, ainsi qu'un grand marlin-voilier à l'éperon menaçant. Sur une longue console, un alligator empaillé, gueule ouverte, prêt à saisir sa proie, précédait, effarant défilé, un iguane de belle taille, crête dorsale dressée, un phoque à ventre blanc et une tête de cheval montée sur socle pivotant.
     
    – Lightning, le pur-sang de mon père, vainqueur du Derby à Epsom, il y a vingt-cinq ans, commenta Murray en caressant les naseaux veloutés du défunt champion.
     
    Il désigna ensuite, derrière les glaces d'une armoire, des bocaux de toutes tailles contenant le produit de dissections, pièces de zootomie variées. L'ingénieur identifia, immergés dans le formol, un requin blanc nouveau-né, des cœurs et membres de mammifères, des reptiles, des hippocampes siamois, un hérisson de mer, des crabes de terre, un crapaud-buffle. Comme il détournait le regard d'un fœtus de singe, la vue d'une mygale, l'araignée la plus venimeuse de l'île, enclouée sur une planchette, provoqua chez lui un incontrôlable mouvement de répulsion.
     
    – Cela n'a rien que de très commun, me direz-vous. On voit de plus étranges spécimens dans les musées de sciences naturelles, à Londres ou Paris, reconnut Murray.
     
    – Peut-être, mais la

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