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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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présence sous votre bureau d'architecte de cette faune empaillée, de ces organes et de ces bestioles en bocaux, est assez déconcertante, dit Charles.
     
    – Je ne vous ai pas conduit ici pour vous montrer des animaux naturalisés. Ce qui est caché présente beaucoup plus d'intérêt, dit Murray, se dirigeant vers une armoire aux vantaux ouvragés.
     
    – Là sont des trésors de collectionneur qu'on ne peut trouver dans la nature, dit-il en écartant les panneaux.
     
    Il se tut pour jouir de l'étonnement de Charles.
     
    – Ces objets ont une histoire, j'imagine, finit par articuler l'ingénieur en désignant un couteau de boucher maculé de sang séché.
     
    – Un greffier m'a cédé, à prix d'or, ce couteau d'un certain François Benjamin Courvoisier, valet de son état, qui, en 1840, égorgea son maître et fut pendu pour ce crime à Newgate, en présence de nos célèbres écrivains William Makepeace Thackeray et Charles Dickens, tous deux grands amateurs d'exécutions, à ce qu'on dit.
     
    – Et ce nœud coulant ? demanda Charles en saisissant l'étiquette attachée au chanvre.
     
    – Comme vous pouvez lire, cette corde servit à pendre, le 13 novembre 1849, Maria Manning. Je n'ai, hélas, pas pu me procurer celle qui étrangla son époux, car les deux criminels, qui œuvraient ensemble, furent ensemble pendus.
     
    – C'est faire beaucoup d'honneur à la mémoire de ces assassins ! souligna Charles.
     
    Sa moue désapprobatrice fit sourire Malcolm Murray.
     
    – Il faut savoir, Charles, que Maria Manning fut admirable d'invention et de sang-froid. Elle tua son amant, après l'avoir ruiné, avec la complicité de son imbécile mari, expliqua l'architecte.
     
    – En général, une femme tue son mari avec la complicité de son amant, observa Desteyrac.
     
    – Ce crime eût été banal ! Maria avait horreur de la banalité. Elle le prouva en préparant d'avance la tombe de sa victime. Elle creusa une fosse sous le plancher de sa cuisine, l'emplit de chaux vive, y plaça le corps de l'amant mort, et remit le carrelage en place. Et elle continua à mitonner des plats pour son époux comme si de rien n'était. Maria Manning a fait de son crime une véritable œuvre d'art, lança Murray, l'œil flamboyant.
     
    Comme Charles se taisait, troublé par l'exaltation et le regard presque dément de son ami, ce dernier s'exclama, sans dissimuler l'admiration qu'il portait à la perverse :
     
    » Maria Manning était une artiste, croyez-moi !
     
    – Tout cela me paraît macabre et assez malsain. La fascination de la mort violente vous habiterait-elle, Malcolm ?
     
    – La naissance, qui est aussi violence, me fascine pareillement. D'ailleurs, entre la naissance et la mort, la vie n'est qu'un pont fragile suspendu au-dessus d'un abîme. Que les nôtres avancent sur un chemin aussi sûr que votre pont de Buena Vista, cher Charles !
     
    Un silence pesant succéda à ces mots.
     
    – Oh ! Pardon ! Pardon, mon ami ! lança Murray, prenant conscience de l'incongruité de sa réflexion.
     
    – Le pont de Buena Vista avait résisté à plusieurs ouragans avant que son tablier ne se disloque et n'entraîne la mort d'Ounca, d'Eliza Colson et du major Carver, rappela Charles, augmentant la confusion chez son hôte.
     
    – Désolé, Charles, ma comparaison était vraiment mal venue. Mais je ne puis me faire à l'idée qu'Ounca Lou nous a quittés et, par moments, j'oublie qu'elle n'est plus là, s'excusa l'architecte, sincère et repentant.
     
    – Plus que vous encore, vous devez le comprendre, j'ai du mal à accepter sa disparition, dit Desteyrac, posant la main sur l'épaule de Murray en signe d'apaisement.
     
    – Ne m'en veuillez pas de ce stupide impair. Ounca, la belle Ounca reste à jamais présente dans nos pensées et nos cœurs, conclut Malcolm en invitant Charles à poursuivre la visite.
     
    – Je vois là, sans doute, le contenu des caisses débarquées du Phoenix à vos retours d'Europe, et dont l'abondance m'a toujours intrigué, enchaîna Desteyrac.
     
    L'ingénieur passa la main sur une corne de narval, autrefois transformée en porte-flambeaux par un habile marin.
     
    – Un cabinet de curiosités se doit d'abriter des objets de toute nature, pourvu qu'ils rappellent, sous les aspects les plus divers et parfois les moins ragoûtants, la destinée de l'homme : inventions, art, découvertes, talents, vices, turpitudes, commenta Murray.
     
    Et il

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