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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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était-on souvent plus vite informé des événements régionaux par les marins du commerce qui faisaient escale à Nassau.
     
    On apprit ainsi, fin octobre, qu'un navire américain, le Central America , qui avait quitté Cuba pour New York avec six cents passagers, s'était trouvé pris dans une tempête au large de la Caroline du Nord. Le navire avait coulé, engloutissant équipage et passagers, sauf une soixantaine de personnes, des femmes surtout, qui avaient survécu pendant une semaine, agrippées à des radeaux de fortune. On n'eût peut-être pas attaché à ce naufrage plus d'attention qu'aux douzaines d'autres, signalés chaque année entre les Bahamas et les côtes américaines, si le Central America n'avait été lesté d'une cargaison de lingots d'or. On attribuait au trésor immergé la valeur d'un milliard de dollars.
     
    « Sans doute de l'or gagné par les esclaves qui peuplent les plantations de cette île espagnole », avait commenté lord Simon, bien aise d'avoir vendu deux ans plus tôt l'exploitation qu'il possédait près de Matanzas.
     
    Avec novembre, les ouragans cessaient de menacer les îles quand une estafette, envoyée à Cornfield Manor par le commandant du port occidental, annonça l'arrivée du Southern Star , le schooner des Cornfield de Charleston.
     
    Lord Simon fit aussitôt atteler pour aller accueillir ce cousin esclavagiste qui devait avoir une forte raison de lui rendre visite. Dès qu'il vit Bertie III descendre seul le chemin-planche de son bateau, lord Simon comprit que l'escale n'était pas de pure courtoisie. Le planteur, amaigri, émacié, presque voûté et l'œil éteint, tendit deux mains sèches au lord.
     
    – Quelle bonne aubaine vous conduit chez moi, cousin ? dit le maître de l'île, se forçant à la jovialité.
     
    – Triste aubaine, mon bon Simon, bien triste, en vérité. Je vais à Limonar vendre ma plantation de canne à sucre, mes moulins et ma sucrerie. Mon fils aîné, Bertie IV, qui dirigeait nos affaires à Cuba, est mort. Il a péri dans le naufrage du Central America , dont tu as dû entendre parler.
     
    – Nous avons su, en effet, cette catastrophe, dit lord Simon.
     
    – Ma bru accompagnait son mari pour des vacances chez nous. Elle a été sauvée de la noyade, mais n'a pu survivre tant elle avait été, comme d'autres naufragées, brûlée par le soleil et le sel. Je vais donc ramener de Cuba trois petits orphelins restés là-bas avec leur gouvernante espagnole. Voilà la raison de mon escale, mon pauvre ami.
     
    Pour tenter de distraire un moment Bertie III de son chagrin, lord Simon donna, le soir même, un dîner à Cornfield Manor où se retrouvèrent les époux Murray, les Desteyrac, les Colson et le major Carver. Lady Lamia ne parut pas à la salle à manger. Bien qu'elle espérât encore que lord Simon, influencé par Charles, renoncerait à faire construire son chemin de fer, elle boudait son frère et refusait de paraître aux repas.
     
    Alors qu'à l'issue du dîner les hommes se trouvaient rassemblés au fumoir pour sacrifier au rite du cigareet-porto, lord Simon, voulant éviter toute discussion sur la question de l'esclavage, qui envenimait un peu plus chaque jour la rivalité Nord-Sud aux États-Unis, rapporta qu'il tenait du nouveau gouverneur des Bahamas, Charles John Bailey, compagnon de l'ordre du Bain, que le pape Pie IX venait de rattacher l'archipel à l'évêché de la Caroline du Sud.
     
    – Et cela, alors qu'il n'y a plus aucun prêtre catholique à Nassau ! Le dernier qu'on nous envoya, en 1853, le père Gibbons, ne fit qu'un bref séjour à New Providence. Il est maintenant évêque à Baltimore, précisa le lord.
     
    – Les catholiques, nous voudrions nous en passer, comme vous. Aux États-Unis, ils soutiennent la cause des abolitionnistes, cousin. Et ce n'est pas nouveau. En 1839, le pape Grégoire XVI a condamné la traite des nègres. Maintenant, certains évêques du Nord menacent d'excommunication les catholiques propriétaires d'esclaves. Les papistes – ces sacrés Irlandais plus que les autres – sont tous ligués contre le Sud.
     
    Le débat sur l'esclavage se trouva donc relancé et Bertie III révéla que plusieurs États du Sud, dont les Carolines, souhaitaient sortir de l'Union pour conserver ce que les esclavagistes nommaient, par un doux euphémisme, l'institution particulière.
     
    – Hum, hum, vous seriez alors bien isolés, osa Malcolm

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