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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Murray.
     
    – Ne croyez pas que tous les gens du Nord soient pour l'abolition. La Cour suprême des États-Unis a refusé d'accorder la liberté à l'esclave Dred Scott, du Missouri, qui, sous prétexte qu'il avait résidé quelque temps en Illinois, État libre, où l'avait conduit son maître, un chirurgien de l'armée fédérale, demandait à être émancipé. Le président de la Cour, Roger Taney, a fort justement repoussé la demande de cet analphabète, marionnette aux mains des avocats abolitionnistes, en observant qu'un esclave, n'étant pas citoyen de l'Union, ne pouvait intenter une action devant une cour fédérale, et que les lois de l'Illinois ne peuvent s'appliquer à un résident du Missouri. Les juges de Washington ont bien compris que l'émancipation des esclaves marquerait la fin d'une société sudiste dont le Nord a besoin en tant que type historique d'une civilisation agraire et aristocratique, exposa le planteur.
     
    Bien qu'il respectât le deuil de son parent et ne souhaitât pas, en pareille circonstance, attiser la polémique qui les opposait depuis des années, lord Simon ne put s'empêcher de répliquer.
     
    – Votre horizon, cousin, reste limité par les bornes de vos plantations et par les lambris de vos clubs de Charleston. Vous refusez de considérer la marche du monde et des idées.
     
    Contre tout bon sens, vous exigez que les nations approuvent votre institution particulière comme reconnue par Dieu et la meilleure qui soit pour les nègres. Ne prenez pas en mauvaise part ce que je vous dis là. J'ai pour vous toute l'estime que je refuse à vos idées. Ce siècle verra, que nous le voulions ou non, la fin de l'esclavage, en Amérique comme ailleurs. Du jour où le premier nègre a su lire et écrire, l'abolition s'est mise en route, dit lord Simon sans élever le ton.
     
    – Cher cousin, si mon horizon se limite à ma plantation, le vôtre se limite aux rivages de votre île, répliqua Bertie, amer.
     
    – Je reviens d'un long séjour en Europe et j'ai pu, moi, constater l'évolution des mœurs et des idées, mon ami.
     
    – Peut-être, mais vous êtes ici comme Épicure dans son jardin. À l'exemple du Grec vous aimez une solitude entourée d'animation, le confort, la bonne chère, les bons vins, et vous donnez à vos plaisirs protégés les couleurs de la vertu. Je vous envie, moi qui dois chaque jour faire face à des nègres de plus en plus indisciplinés, auxquels les abolitionnistes font croire que, débarrassés de leurs maîtres et libres d'aller à leur guise, ils auront une vie aisée sans travailler !
     
    – Chez notre cousin Jeffrey, à New York, les nègres travaillent et reçoivent un salaire pour assurer la subsistance de leur famille. Ce qui les différencie de vos nègres des Carolines, c'est la liberté de changer de maître, d'apprendre à lire et à compter, de faire ce qui leur plaît une fois les heures de travail terminées et, le dimanche, d'aller se promener sur les berges de l'Hudson. Ils ne demandent rien de plus, allégua Ottilia.
     
    – Harriet Beecher-Stowe, monsieur, a fait un tableau sans méchanceté d'une famille d'esclaves bien paisibles qui aspirent à la liberté, osa Margaret Russell.
     
    – Parlons-en, de sa Case de l'oncle Tom  ! C'est bien le plus mauvais service qu'une écrivassière ait rendu à l'Union ! Ce livre est devenu la bible des abolitionnistes !
     
    Pour apaiser le débat, le commandant Colson prit la parole.
     
    – Cette dame Beecher-Stowe, monsieur, vient d'éprouver le même deuil que vous. En revenant d'Europe, il y a quelques semaines, elle a appris à New York, où nous faisions escale, que son fils Henry, étudiant à Dartmouth, s'était noyé dans la rivière Connecticut, rapporta l'officier.
     
    – Je déteste l'écrivain, mais je plains la mère, dit simplement Bertie III, rendu à son propre malheur.
     

    Trois jours plus tard, toute menace d'ouragan ayant disparu, lord Simon et le major Carver reconduisirent le planteur de Charleston jusqu'au port, où les chaudières de son schooner étaient déjà sous pression. Au moment de la séparation, lord Simon dit à son cousin qu'il avait raison de vendre, sans plus attendre, ses propriétés cubaines.
     
    – Depuis que le général Miguel Tacón y Rosique, qui fut gouverneur de Cuba de 1834 à 1838, a refusé d'appliquer la constitution libérale qui eût permis aux représentants du parti réformiste de siéger aux Cortes, les

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