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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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sous le toit conjugal serait d'une scandaleuse trivialité, n'est-ce pas ? Ici, discrétion assurée !
     
    – Au fait, où allez-vous loger cette chère Gertrude ? risqua Desteyrac.
     
    – Ottilia tient à l'avoir toujours près d'elle. Nous lui avons fait une jolie chambre et un petit salon dans les combles mansardés de la villa. Mais elle reste libre de ses mouvements diurnes... et nocturnes ! précisa Malcolm en riant.
     
    – Vous constituez certes avec aisance ce que nous appelons, en France, un ménage à trois. Cette situation passait sans doute inaperçue dans l'agitation mondaine des capitales européennes, mais, sur notre petite île, Ottilia ne risquet-elle pas d'en souffrir en tant que légitime épouse ? osa Charles.
     
    – Vous savez bien que non. Vous savez aussi, connaissant ce qu'on doit bien appeler l'infirmité d'Otti, que notre union est de pure convention. Nous nous fréquentons depuis les langes et notre complicité a tissé des liens solides, ignorés des ménages ordinaires. Nous avons appris – nous nous en amusions même, à Londres – à jouer au couple parfait. Ici nous continuerons, car je me suis engagé à ne jamais ridiculiser l'épouse du très honorable Malcolm Murray.
     
    – C'est le moins que vous puissiez faire dans une société comme la nôtre où l'on cancane plus souvent pour se distraire que pour médire, constata Desteyrac.
     
    – Voyez-vous, Charles, celle qui souffre, c'est Gertrude. Au cours de notre séjour en Europe, j'ai beaucoup « putanisé », que ce soit à Londres, à Paris et à Venise où ma mère nous a reçus... et distraits. Otti voulait connaître mes aventures, et s'en délectait. Gertrude, à qui je ne pensais même pas à les cacher, pleurait quand elle apprenait mes bonnes fortunes, les femmes n'étant pas toujours discrètes. Que voulez-vous, cette grande bête est amoureuse de moi. Amoureuse à m'en faire peur car, moi, je ne veux surtout pas être aimé ! L'amour d'une femme est la pire sujétion qu'un homme ait à subir. Gertrude est une amante passionnée, tendre, infatigable. Elle est aussi sans imagination dans les ébats, mais c'est une élève docile et appliquée. Je ne lui ai jamais caché que notre relation resterait celle de partenaires habitués à jouir ensemble de leur corps pour le seul plaisir des sens, hors de toute considération sentimentale.
     
    – En somme, partie d'amour comme partie de cartes ou d'échecs !
     
    – Voilà, sans plus. Mais, hélas, même si Gertrude dit accepter cette convention, ne mendie plus les mots que je ne veux pas prononcer, elle ne se résigne pas.
     
    – Aucune femme ne saurait se satisfaire de votre conception. On dit les Alsaciennes obstinées et fidèles, méfiez-vous !
     
    – En fait, cette situation commence à me peser, avoua Murray.
     
    – Tiens !
     
    – Oui. Elle me pèse d'autant plus que j'ai des visées sur les jumelles Russell à qui je dois donner des cours de dessin. Cela fut décidé avec leurs parents après le bal de la Saint-Sylvestre. Je voulais attendre d'être installé chez moi pour commencer leur éducation ! Vous m'aviez dit alors : « Attention, ce ne sont pas des New-Yorkaises ! »Tant mieux. Vous vous rendez compte, Charles : des filles de pasteur puritain, des oies blanches grassouillettes, mal fagotées mais pas mal tournées. Allez hop, hop ! Les deux ensemble au lit ! Hein, quel défi ?
     
    – Ce ne sera pas facile. Je crois ces demoiselles vertueuses et aussi très surveillées, observa Desteyrac.
     
    – « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », a écrit votre Corneille. Je suis sûr qu'en moins de trois ou quatre leçons de dessin, elles seront à point. Sous ce climat, le désir des filles de seize ans n'attend qu'une étincelle pour s'enflammer, mon cher, conclut Murray, l'œil égrillard.
     
    Comme Charles allait se retirer, Malcolm le retint.
     
    – Je ne vous ai pas conduit jusqu'ici pour vous montrer une table à dessin et des bibliothèques, ni pour vous faire part des états d'âme de Gertrude. Venez, je veux mettre sous vos yeux quelques copies que j'ai acquises à Londres de certains tableaux de mes amis préraphaélites. Ces toiles ne sont pas encore accrochées et je les garde ici en attendant de les placer dans la villa.
     
    Contre une cloison du cabinet de travail étaient appuyées plusieurs peintures encadrées. Murray les présenta une à une, sur un chevalet, guettant

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