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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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cher cousin, que votre ami français n'est pas, à notre égard, dans les mêmes dispositions d'esprit que son poète, M. Hugo », acheva lord Simon.
     
    – Sans faire de Brown un héros, et sans approuver le meurtre pour quelque raison que ce soit, si je condamne l'insurrection sanglante – comme vous, j'imagine –, je crois que les gens du Sud doivent se préparer à régler sans plus tarder cette question de l'esclavage, dit Charles.
     
    – Et comment cela ? interrogea Murray.
     
    – En acceptant la plus humaine des concessions : l'émancipation générale des esclaves avant qu'une guerre civile ne vienne, comme le subodore Victor Hugo, disloquer l'Union, compléta Charles.
     
    – Soyons sans illusions, mon bon ami. Pour soutenir ou combattre ce que vous nommez « la plus humaine des concessions », avant un an, je le prédis, le Nord et le Sud feront parler la poudre. Et comme en 1783, quand les colons restés fidèles à la Couronne refusèrent de devenir américains et débarquèrent par milliers dans l'archipel avec leurs esclaves, nous pouvons craindre que les planteurs du Sud ne viennent chercher refuge dans nos îles, conclut lord Simon.
     
    1 Soldats indigènes engagés au service des Français, des Britanniques ou des Portugais.
     
    2 Une livre anglaise ( pound ) pèse 453 grammes.
     
    3 Virginie. Ne pas confondre avec Charleston, la capitale de l'État, et Charles Town, en Caroline du Sud, devenu Charleston en 1783.
     
    4 Pour United States Marines Corps.
     

6.
     
    Au printemps 1860 commença sur la côte sud de Nassau, au pied des Blue Hill Heights, qui s'étirent d'est en ouest sur New Providence Island et culminent à cent vingt pieds, la construction d'un grand hôtel. Avant même la pose de la première pierre, on le nomma Royal Victoria Hotel, en hommage à la souveraine.
     
    Depuis qu'en 1859 le richissime armateur Samuel Cunard assurait avec ses vapeurs une liaison maritime directe entre New York et Cuba, via Nassau, les citoyens américains aisés étaient de plus en plus nombreux, chaque hiver, à fuir les frimas continentaux pour venir aux Bahamas jouir d'un climat dont leurs médecins vantaient la salubrité.
     
    Le trajet New York-Nassau à bord des paquebots de la Cunard Line durait, suivant l'état de la mer, de trois à cinq jours et coûtait cinquante dollars – trente-neuf seulement si l'on réservait son passage pour le retour.
     
    Le Corsica – premier bateau ayant à son bord ces passagers que les Anglais nommaient tourists depuis 1811 3  – avait, en novembre 1859, débarqué une centaine de citoyens de l'Union décidés à goûter, sous les palmiers et au long des grèves de sable fin, la limpidité de l'air océanique, un ensoleillement garanti, la volupté du farniente exotique, les bains de mer, les plaisirs de la pêche et une saine gastronomie à base de poisson et de coquillages. Accueillis par une population multicolore, dévouée, aimable, rieuse, intéressée, et par des commerçants, restaurateurs et taverniers prêts à tout pour satisfaire une clientèle étrangère au dollar facile, les voyageurs avaient constaté, parfois souffert la rusticité de l'hébergement insulaire. Hormis Victoria House, auberge aménagée en 1844 dans la résidence de John Howard Graysmith, une bâtisse construite sur les ruines de la plus ancienne église des Bahamas, datant de 1694, les touristes ne pouvaient loger décemment que chez les particuliers.
     
    Certains descendants des loyalistes, qui, depuis 1783, avaient construit de belles demeures dont l'architecture copiait celle des maisons de plantation de Louisiane ou de Virginie, louaient des chambres à ceux de qui ils n'avaient pas voulu autrefois devenir les concitoyens ! Les autorités bahamiennes, convaincues que la nouvelle activité, dite tourisme, serait profitable à l'économie de l'archipel, venaient donc d'accepter la construction d'un hôtel où les voyageurs se sentiraient aussi à l'aise que dans un palace de Londres ou de New York, avec le soleil et la mer en plus !
     
    Lord Simon, à qui cette invasion américaine ne plaisait guère, gardait un mauvais souvenir de la première tentative d'établissement d'une ligne de navigation entre New York et Nassau. À la General Assembly , il avait soutenu dix ans plus tôt la loi destinée à encourager une telle liaison, mais le projet avait été compromis par un désastre : le SS Jewess 4 , premier navire attendu à Nassau, avait

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