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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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coupa Cornfield, peu attentif aux considérations autres que financières.
     
    – J'ai moi-même souscrit pendant mon séjour à Nassau, dit Murray.
     
    Témoin de la scène, Charles sourit. Dès qu'ils s'agissait d'entrer dans une affaire, avec en perspective de l'argent à gagner, ces deux-là affichaient une touchante complicité.
     
    – Vous n'êtes pas intéressé, Charles ? Vous devez bien avoir quelques économies à mettre dans un emprunt si sûr, dit Cornfield.
     
    – D'une part, j'ai peu d'économies – pas suffisamment, en tout cas, pour en risquer une partie dans l'hôtellerie coloniale. D'autre part, j'ai maintenant la responsabilité d'une famille et j'entends que ma femme et mon fils ne manquent de rien.
     
    – Vous savez bien, mon ami, qu'ils ne manqueront jamais de quoi que ce soit, ni vous non plus, tant que je serai là... et même après ma mort ! Tenez, je peux bien vous le dire, Pacal sera un jour mon héritier, assura lord Simon.
     
    Le vieil homme confirmait ainsi des dispositions déjà connues d'Ounca Lou par Lamia, et prises pour assurer le bien-être de sa fille cadette et d'un petit-fils de qui il attendait avec impatience qu'il fût assez grand et fort pour l'accompagner à la chasse.
     
    Pacal, allant sur ses trois ans, promettait d'être à la fois téméraire et obstiné. En quelques leçons données par sa mère, il avait appris à nager, à reconnaître les coquillages les plus courants, à faire la différence entre les dauphins joueurs et les méchants requins qui, parfois, approchaient des plages.
     
    Le meilleur camarade de jeu de l'enfant était Tokitok, un des innombrables petits-fils de Maoti-Mata. Le jeune Arawak, d'un an plus âgé que Pacal, n'avait pas son pareil pour attraper les papillons et repérer les refuges des crabes de terre, les déloger et les aiguillonner avec une branche pour les faire entrer dans un nasse d'osier. Cette chasse amusante était aussi profitable, car le crabe tenait une place enviable dans la gastronomie bahamienne.
     
    Chez les Arawak comme chez les Desteyrac, on se régalait de ces crustacés. La cuisinière d'Ounca Lou, plus raffinée que les matrones taino, ajoutait mie de pain, œufs et épices à la chair des crabes avant de cuire le mélange au four dans la coquille préalablement curée.
     
    Souvent, Ounca Lou conduisait les inséparables en voiture à Buena Vista, chez sa marraine lady Lamia. La traversée du pont construit par Charles Desteyrac égayait autant qu'elle apeurait les enfants. Le roulement sonore de la calèche sur le tablier et le fracas des vagues déferlant sous l'arche les faisaient se blottir contre la jeune mère. Dès que, sur la terre ferme, la demeure de Lamia était en vue, ils recouvraient assurance et gaieté, sachant que de bonnes heures leur étaient promises. Fish Lady les initiait au jeu de quilles ou, les jours de pluie, à celui de la puce sauteuse. Ce dernier consistait à envoyer dans une coquille un petit jeton d'ivoire dont on pinçait le bord avec un plus gros. À cet exercice, Pacal se montrait souvent plus adroit que Tokitok qui, en revanche, mieux que son camarade, savait fouetter la toupie, jouet traditionnel des petits Arawak.
     
    À Buena Vista, Lamia proposait toujours un bon goûter. Ma Mae servait un gâteau garni de purée de goyave sucrée, parfumée à la cannelle, et les gourmands, les joues barbouillées de jus de grenade, couraient jusqu'à la ferme voisine pour approcher le chevreau nouveau-né, au risque de se faire bousculer par une chèvre vindicative. Le soir, quand Ounca Lou regagnait le Cornfieldshire, les enfants, repus et las, s'endormaient sur la banquette de la calèche. Après la halte au village des Arawak où l'on restituait Tokitok à ses parents, Mme Desteyrac promettait à Pacal, soudain silencieux, d'envoyer bientôt Timbo chercher son compagnon pour une nouvelle journée de plaisirs et de jeux.
     

    En mai 1860, Robert Lowell qui, depuis son retour à Pittsburgh, avait périodiquement informé Charles Desteyrac de l'avancement de la fabrication du matériel ferroviaire commandé, demanda – ce que lord Simon attendait avec impatience – l'envoi à Wilmington d'un bateau pour porter les rails, les aiguillages et les plaques tournantes. Acheminés par chemin de fer de Pittsburgh au premier port de Caroline du Nord, ce matériel serait chargé sur une des barges déjà envoyées de Soledad. Il conviendrait de mettre en place tous ces

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