Retour à Soledad
maintenant âgée de quarante-deux ans, la conversation roula sur les événements d'Amérique.
– Mon père m'apprend, dans une lettre reçue ce matin, que le 13 mai, Victoria a implicitement admis l'existence de la Confédération des États du Sud en annonçant la neutralité du Royaume-Uni. Elle a aussi reconnu aux deux camps les droits habituellement accordés aux belligérants, dit Malcolm Murray.
– Et Russell, le Premier ministre, a confirmé dans une déclaration officielle publiée par les journaux : « La reine ordonne à tous ses affectueux sujets » – dont nous sommes, mes amis – « d'observer une stricte neutralité dans les hostilités malheureusement commencées entre les États-Unis et certains États s'appelant États confédérés d'Amérique ». De quoi faire grincer bien des dents à Washington ! renchérit Lewis Colson.
– Un ami de Boston, de passage à Nassau, m'a rapporté que Charles Sumner, sénateur du Massachusetts, a dit de cette prise de position royale : « C'est l'acte le plus haïssable de l'histoire de l'Angleterre depuis l'exécution de Charles Ier », révéla le major Carver.
Envoyé par lord Simon « prendre le pouls du gouvernement bahamien » à New Providence, Edward avait trouvé le gouverneur déterminé à faire observer la neutralité exigée par la Couronne.
– La seule décision qui doit nous préoccuper est celle de Lincoln décrétant le blocus des ports du Sud. C'est de New Orleans, de Charleston, de Wilmington et d'autres ports que partent les cargaisons de coton destinées à nos filatures de Manchester, observa lord Simon.
Malcolm Murray cita un quatrain lu dans le Punch de Londres :
– Avec le Sud tiens bon
Car il fait tout en coton.
Où serait notre calicot
Sans le travail du bon négro ?
– Stupidité ! lança Dorothy Weston Clarke.
– Pas autant que vous croyez, chère amie. La prospérité de l'industrie textile anglaise ne repose-t-elle pas sur la collecte du coton américain par des esclaves ? répliqua Ottilia.
– Celle des filatures du Massachusetts et du Connecticut, pareillement, compléta Uncle Dave.
Le médecin tenait tous les puritains des États du Nord pour fieffés hypocrites.
– Cette guerre civile sera, je pense, de courte durée. Le Nord a une véritable armée, des chemins de fer, une industrie capable de fabriquer des armes, des chantiers navals d'où sortent des bateaux. Le Sud n'a rien, ou très peu de tout ça. Les Confédérés ne pourront longtemps résister, pronostiqua Tilloy.
– Le Sud se renforce, mon cher. L'Arizona, l'Arkansas, la Caroline du Nord et la Virginie ont rejoint la Confédération, et l'on s'attend à ce que le Tennessee et le Kentucky en fassent autant dans les prochaines semaines ou les prochains mois. La Confédération sudiste sera donc une puissance qu'on ne pourra négliger. Notre souveraine, qui doit être bien informée, a raison de prêcher la neutralité à ses sujets tant que les intérêts vitaux du Royaume-Uni ne sont pas menacés par les uns ou les autres, dit Carver.
– La menace d'un blocus des exportations de coton touche aux intérêts vitaux de notre industrie textile, Eddie, fit remarquer Cornfield.
– Les Nordistes n'auront jamais assez de bateaux pour bloquer tous les ports, de la Louisiane à la Virginie, émit Lewis Colson.
– Si le blocus du Sud se révélait plus efficace que ne le pense Colson, les filateurs anglais devraient trouver d'autres sources d'approvisionnement. Peut-être en Égypte ou aux Indes ? osa Charles avec un regard à Cornfield.
– Cela coûterait beaucoup plus cher. Et puis, aucun de ces cotons ne vaut le middling longues fibres de Louisiane, se récria lord Simon.
– Pourquoi ne nous mettrions-nous pas à cultiver le coton à Soledad ? Le climat de l'archipel est à peu près le même que celui des Carolines. Et nous avons une bonne main-d'œuvre, lança lady Lamia.
– Nous avons même des nègres, ancien esclaves des plantations du Sud, donc bien entraînés, ironisa Murray.
– Seul l'avenir nous dictera la conduite à tenir, n'est-ce pas, Malcolm ? conclut lord Simon avec un clin d'œil à son gendre.
Charles Desteyrac subodora que les deux hommes avaient déjà conçu des expédients pour sauvegarder leurs intérêts.
Au cours de l'été, lord Simon fut autorisé pour la première fois par Ounca
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