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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Pacal. Elle a dû dire : « Va porter le chapeau au père. » C'est ainsi que nous appelons tous l'ermite du mont de la Chèvre.
     
    – Je sais un peu bien l'espagnol, maintenant. C'est lady Lamia, ma marraine, qui me l'apprend, se contenta de répondre l'enfant avec une moue boudeuse.
     
    Lord Simon se garda bien de relever l'insolence et, quand il rendit l'enfant à sa mère, se déclara enchanté de sa journée.
     
    – Pacal m'a étonné et séduit. Il est curieux de tout et connaît les plantes comme un jardinier. Il sait même un peu d'espagnol.
     
    – Plus qu'un peu. C'est l'œuvre de Lamia. Il commence aussi à comprendre et parler l'arawak, et son père lui enseigne le français. Il sera polyglotte, dit fièrement Mme Desteyrac.
     
    – C'est aussi un observateur précoce des gens et des choses. Nous en ferons donc un vrai Cornfield, conclut Simon en faisant tourner bride vers son manoir sans femme.
     

    Tandis que se développait aux États-Unis un conflit marqué par des victoires sudistes fort inquiétantes pour l'armée de l'Union, la cour d'Espagne décréta que la liberté serait immédiatement accordée à tout esclave qui se rendrait en Espagne, comme c'était déjà le cas dans les États libres d'Amérique du Nord ou dans tous les pays où l'esclavage avait été supprimé.
     
    – Cela va encourager les esclaves de Cuba à fuir l'île, et nous allons en voir arriver aux Bahamas, commenta Murray.
     
    – Eh bien, nous les accueillerons. De nombreuses îles de l'archipel sont désertes et pourraient être mises en exploitation d'une manière ou d'une autre, dit lord Simon.
     
    – Encore une façon de déplaire aux planteurs, qu'ils soient des Carolines ou de Cuba, commenta Charles, de passage à Cornfield Manor.
     
    – Mon cher, les Cornfield ont passé leur vie à déplaire à tous ceux qui rejettent le droit à la liberté de tous les êtres, quels que soient la couleur de leur peau, leurs mœurs, leurs croyances et même leur degré de force ou d'intelligence, répliqua lord Simon en donnant à Charles une bourrade des plus virile.
     
    « Voilà pourquoi j'aime cet homme », se dit Charles sur le chemin de Valmy. En marchant, il précisa sa pensée : « Curieux mélange de despote et de samaritain. Sûr de sa prépondérance native, mais toujours prêt à combattre l'injustice ; attaché à l'étiquette coloniale de sa caste, mais voyant dans une ségrégation naturelle acceptée la garantie, hors de toute démagogie, des égards que l'aristocrate doit au plus humble roturier, quelle que soit sa race. Bien que sans illusion sur la nature humaine, il l'accepte telle que Dieu l'a voulue, feint par compassion de la croire perfectible et ne condamne pas l'homme pour ce qu'il est, mais les crimes pour ce qu'ils sont. Oui, voilà pourquoi j'aime cet homme », se répéta l'ingénieur.
     

    Un événement devait, quelques jours plus tard, conforter Desteyrac dans son appréciation du caractère de Cornfield. De passage à Valmy, comme souvent en fin de journée, quand, sous un prétexte ou un autre, il venait voir son petit-fils qu'il abreuvait d'histoires de chevalerie, lord Simon annonça une étonnante nouvelle.
     
    Dans une lettre, Jeffrey Cornfield révélait, avec une satisfaction mêlée de tristesse, qu'Ann, disparue lors du naufrage du Lady Elgin sur le lac Michigan, était vivante. Comme elle dérivait dans l'eau glacée, agrippée à un madrier, des pêcheurs l'avaient recueillie, hébergée et soignée. Paralysée des jambes et amnésique, elle avait vécu des mois sans se souvenir de son identité. Une fois sa mémoire restaurée, elle avait fait écrire à son père. Son frère, Henry G., qui gérait maintenant à Chicago les affaires de Kurt Picker, son défunt beau-frère, était allé la chercher pour la conduire dans l'hôtel familial de Washington Square. Incapable de marcher, elle usait d'un fauteuil roulant, mais pouvait se nourrir, lire, écrire, faire de la tapisserie et même jouer du piano. Lui restait une grande faiblesse des poumons pour avoir aspiré l'eau polluée du lac. Les médecins conseillaient un séjour aux Bahamas, devenues lieu de cure à la mode pour les maladies pulmonaires.
     
    – Jeffrey me demande donc d'accueillir Ann à Cornfield Manor pour un séjour d'au moins six mois. Naturellement, je devrai souscrire aux souhaits d'un père malheureux et, qui plus est, à demi ruiné par la crise, mais je me demande si mettre

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