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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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orage tropical, il se rua sur New Providence avec l'impétuosité des retardataires. On en fut quitte, au Victoria, pour quelques vitres brisées et stores arrachés. L'ondée horizontale flagellait les façades, noyait les massifs de fleurs, transformait les allées en ruisseaux. Le vent courbait comme des arcs les palmiers royaux et, puissant flûtiste, tirait des grilles d'aération, des gouttières, des chambranles, de tous les interstices, des gammes de l'aigu au grave, des gémissements désespérés, des ricanements sardoniques, des hululements de hibou, des feulements de tigre. Le roulement du tonnerre et quelques éclairs, plongeant dans la mer, suffirent à affoler des dames américaines au point de les faire se blottir dans les penderies après avoir actionné sans résultat les sonnettes de service. Le personnel, mobilisé pour de plus urgentes tâches, ne répondait plus aux appels. Les Bahamiens, habitués aux caprices souvent plus violents de la nature, s'amusaient derrière les fenêtres du spectacle qu'offraient valets et femmes de chambre en train de poursuivre, dans les jardins, fauteuils et guéridons de rotin que le vent leur dérobait.
     
    Lord Simon avait souhaité rentrer à Soledad dès le lendemain du bal, mais il n'eût pas été prudent de prendre la mer, la tempête tropicale étant, tous les marins le savent, installée pour trois, six ou neuf jours. Il se résigna et décida de mettre à profit l'attente imposée par les éléments pour régler quelques affaires dans la capitale. Malgré les averses intermittentes, Ottilia et Ounca Lou, en femmes qui ne résistent pas à l'attrait des vitrines, se firent conduire sur Bay Street où l'on trouvait, dans les meilleures boutiques de la ville, parfums, fanfreluches, lingerie fine, bas de soie, chaussures et une foule de produits plus aisément importés d'Europe depuis que les nouveaux paquebots et cargos à vapeur franchissaient l'Atlantique en moins de trois semaines.
     
    Charles Desteyrac, resté à l'hôtel, s'intéressa, lui, au système de distribution d'eau dans l'établissement. Il observa de près pompes et réservoirs, sachant qu'il aurait un jour à moderniser les installations de Cornfield Manor.
     
    Au cours de ses pérégrinations dans le sous-sol de l'hôtel, il se heurta, au détour d'une galerie, à Malcolm Murray. Le teint gris, l'œil souligné de bistre, l'architecte confessa à son ami qu'il avait connu une fin de nuit voluptueuse avec l'épouse de l'administrateur.
     
    – Neuve comme le mobilier. Ignorante, mais décidée à s'instruire et assez douée, dit-il avec un rire grivois.
     
    – Le mari n'a eu vent de rien ?
     
    – Le mari, mon cher, préfère les grooms. C'est parce que le conseil d'administration exige que son délégué soit marié – car on doit recevoir en couple les clients de marque – que Walter Lancey a épousé Olivia, fille d'un banquier de Boston, dit Murray.
     
    – Donc, pas de duel en perspective ?
     
    – Simplement de la discrétion et une attitude réservée en public, précisa Malcolm.
     
    Charles Desteyrac prit soudain conscience de l'incongruité du lieu de leur rencontre.
     
    – Que diable faites-vous dans ces caves ? Vous n'y avez pas enfermé votre conquête ?
     
    – Non, Charles. Elle dort sagement chez elle. Ici, je cherche du plâtre. Il me faut quelques poignées de plâtre et j'imagine que j'ai peut-être une chance d'en trouver là où les ouvriers entreposent leurs matériaux. Vous n'avez pas vu de sacs de plâtre, par hasard ?
     
    – Il y a des tas de sacs au bout de ce couloir. Certains contiennent peut-être du plâtre, dit Desteyrac, indiquant le boyau qu'il venait de parcourir.
     
    Malcolm marchait dans la direction indiquée quand Charles le retint.
     
    » Puis-je savoir pourquoi vous avez un besoin subit de plâtre ? demanda-t-il, intrigué.
     
    – Un jour, peut-être vous le dirai-je. Il est trop tôt, mon ami, acheva Murray, s'éloignant en boitillant, mystérieux et folâtre.
     
    – Que nous prépare-t-il ? se dit l'ingénieur en prenant l'escalier.
     

    Trois jours s'écoulèrent ainsi en promenades sous la pluie, en longues et bientôt ennuyeuses stations au bar, dans la salle de lecture, en parties de billard, quand le mauvais temps interdisait toute sortie. L'humeur de lord Simon virait de la morosité à la grogne quand une estafette lui remit, après le dîner, une invitation à se rendre sans tarder chez le

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