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Retour à Soledad

Retour à Soledad

Titel: Retour à Soledad Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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jambes sont paralysées, comme mortes. Elle ne peut se tenir debout ni même remuer les pieds, dit Charles.
     
    – Un jour, je voudrais que vous ameniez cette personne jusqu'à moi. Je voudrais la voir, lui parler, dit Maoti-Mata du ton d'un médecin intéressé par un cas rare.
     
    Charles admira une fois de plus la sagesse et la connaissance que le vieil homme possédait du comportement humain. Il subodora qu'il était capable de tenter, par philtre, attouchement ou invocation aux zemis, d'améliorer le sort d'Ann. Il promit de transmettre l'invitation.
     

    Depuis que Tom O'Graney avait muni d'un abattant formant plan incliné une ancienne calèche de lord Simon, puis surbaissé son plancher et supprimé ses banquettes, Ann Cornfield pouvait hisser sans aide son fauteuil dans la voiture, prendre les rênes de Purity, vieille jument docile, et se déplacer sans avoir recours à quiconque. On croisait son paisible attelage sur les chemins quand elle se rendait pour le thé à Exile House, pour dîner à Valmy, ou pour un séjour à Buena Vista chez lady Lamia. Souvent, le matin, elle allait jusqu'à Sharks Bay dont elle aimait le décor et l'animation. Quittant sa voiture, elle roulait son fauteuil sur un promontoire rocheux au pied duquel les vagues se brisaient. Les jours de vent, les embruns, fouettant son visage, lui donnaient des envies de baignade impossibles à satisfaire. Une tablette sur les genoux, l'infirme croquait d'un crayon habile les oiseaux, les palmiers, parfois un voilier qu'elle aquarellait en rentrant chez elle.
     
    Pacal s'était tout de suite épris de cette femme vouée à l'immobilité. Il passait de longues heures à ses pieds, l'écoutant lire des histoires imprimées ou en inventer à la demande, car elle était douée d'imagination. Le jeune Desteyrac ayant compris qu'Ann, douce et gaie, aimait avoir un auditoire, rassemblait autour d'elle ses camarades de jeu, Takitok, Nardo et Kameko, auxquels se joignaient parfois les filles de Wyanie, Shakera et Shaweka. Mais Pacal ne laissait à personne le soin de pousser le fauteuil roulant quand la fille de Jeffrey Cornfield demandait à passer du soleil à l'ombre.
     
    Un soir de mars, Ounca Lou vit rentrer son fils, qu'accompagnait toujours Timbo, l'air renfrogné. Comme chaque après-midi en fin de promenade, le valet avait arrêté l'enfant aux anciennes écuries pour passer un moment avec Ann. Ce jour-là, l'infirme était absente et Pacal avait vainement attendu son retour jusqu'à ce que Timbo décidât : « C'est l'heu' de rent'er à Valmy si on veut pas êt'e g'ondés tous les deux. »
     
    Ounca Lou s'amusa de la mine déconfite de son fils.
     
    – Ta chère amie n'est pas obligée d'être là quand tu veux la voir. Elle a dû rendre visite à marraine Lamia, à Buena Vista. Va dîner. Adila t'attend depuis un quart d'heure, ordonna-t-elle.
     
    L'incident était oublié quand, un peu plus tard, Mme Desteyrac, qui lisait sur la galerie, vit arriver Poko, le domestique du major Carver.
     
    – Je suis allé chez miss Ann Cornfield pour la conduire à sir Edward avec qui elle doit dîner. Angus et Mabel m'ont dit ne pas l'avoir vue revenir de sa promenade de l'après-midi. J'ai pensé qu'elle était peut-être en visite chez lady Ottilia, mais lady Ottilia ne l'a pas vue. Alors, je me suis permis de venir voir si elle n'était pas chez vous.
     
    – Nous n'avons pas vu miss Ann, Poko. Peut-être est-elle à Buena Vista ?
     
    – Certes non, lady Lamia est déjà arrivée pour dîner chez sir Edward, comme chaque mardi.
     
    Pacal, à la curiosité souvent intempestive, ayant entendu prononcer le nom d'Ann, abandonna son dîner et, poursuivi par Adila, vint se camper, serviette au cou, devant Poko.
     
    – Avec sa chaise à roues, elle va jamais loin. Si elle va loin, elle monte sa chaise dans sa charrette. Et quand elle va loin, elle est toujours revenue pour me raconter une histoire au goûter, dit l'enfant.
     
    – Il ne faut pas s'inquiéter, Poko, vous allez la voir arriver chez le major Carver. Un retard, simplement. Pour elle, les déplacements ne sont pas aussi aisés que pour nous, rappela Ounca Lou.
     
    – La nuit va bientôt venir. Je retourne aux vieilles écuries. Peut-être que miss Ann a oublié l'invitation de sir Edward, conclut Poko, faisant pivoter son sulky.
     
    Quand Charles rentra à Valmy, venant du Loyalists Club, Pacal ne laissa pas le temps à sa mère de rapporter la visite du

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