Révolution française Tome 1
Conseil exécutif, le maire, les autorités
du département, soit une quinzaine de personnes, entrent dans sa chambre et que
Garat, ministre de la Justice, lit les décrets de la Convention : « Louis
Capet, coupable de conspiration contre la liberté de la nation, est condamné à
mort. »
Louis plie les décrets, les range dans son portefeuille.
Il a préparé une lettre à la Convention. Il demande trois
jours pour se préparer à paraître devant Dieu, la levée de cette surveillance
perpétuelle, le droit de voir sa famille et celui de recevoir son confesseur, l’abbé
Edgeworth de Firmont. Il recommande à la nation ceux qui lui ont été attachés, et
qui ne peuvent être persécutés pour cela.
« Je les recommande à la bienfaisance de la nation…
« Il y en a beaucoup qui avaient mis toute leur fortune
dans leurs charges et qui, n’ayant plus d’appointements, doivent être dans le
besoin, et de même celles qui ne vivaient que de leurs appointements ; dans
les pensionnaires il y a beaucoup de vieillards, de femmes et d’enfants, qui n’avaient
que cela pour vivre. »
À six heures du soir, Garat revient.
Louis pourra recevoir sa famille, recevoir son confesseur, mais
on lui refuse le délai de trois jours.
Le décret de mort sera exécuté dès demain 21 janvier 1793.
Louis reste impassible.
Il ne s’est irrité qu’au moment du dîner, quand on lui a
retiré fourchettes et couteaux.
« Me croit-on assez lâche pour que j’attente à ma vie ? »
a-t-il dit.
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Ce sont les dernières heures et c’est la dernière nuit.
Louis a appris que l’un de ses anciens gardes du corps, Pâris,
a assassiné au Palais-Royal, ce 20 janvier 1793, vers cinq heures, le député
Lepeletier de Saint-Fargeau, régicide.
Louis ne veut pas qu’on le venge.
Il accepte son destin sans colère. Il veut simplement
préparer son salut, et il est ému quand, enfin, l’abbé Edgeworth entre dans la
chambre, s’agenouille en pleurant.
Louis prie, demande à l’abbé de se relever, lui montre son testament,
l’interroge sur l’état du clergé français, déchiré, persécuté.
Il veut prier pour l’Église, et pour son salut.
Puis il demande à l’abbé de rester auprès de lui quand sa
famille, comme la Convention l’a autorisé, viendra lui rendre visite. Il craint
l’émotion de la reine, et ne voudrait pas que son chagrin le bouleverse.
Il veut rester serein face à la mort qui est si proche.
Il veut qu’on lui apporte une carafe et un verre d’eau pour
la reine, qui peut perdre connaissance.
Enfin, la voici, avec Madame Élisabeth, la sœur du roi, le
dauphin et Madame Royale.
« À sept heures du soir on vint nous dire, raconte
Madame Royale, qu’un décret de la Convention nous permettait de descendre chez
mon père.
« Nous courûmes chez lui et nous le trouvâmes bien
changé. Il pleura de notre douleur mais non de sa mort.
« Il raconta à ma mère son procès, excusant ces
scélérats qui le faisaient mourir, répéta à ma mère qu’il ne voulait pas mettre
le trouble dans la France.
« Il donna ensuite de bonnes instructions religieuses à
mon frère et lui recommanda surtout de pardonner à ceux qui le faisaient mourir.
« Il donna sa bénédiction à mon frère et à moi.
« Ma mère désirait extrêmement que nous passions la
nuit avec mon père, il le refusa, ayant besoin de tranquillité.
« Ma mère demanda au moins de revenir le lendemain
matin, mon père le lui accorda, mais quand nous fûmes partis il demanda aux
gardes que nous ne redescendions pas, parce que cela lui faisait trop de peine. »
Il ne les verra plus.
Comment accepter cela sinon en s’en remettant à Dieu ?
Il dit à l’abbé Edgeworth :
« Ah, Monsieur, quelle entrevue que celle que je viens
d’avoir ! Faut-il que j’aime et que je sois si tendrement aimé ! Mais
c’en est fait, oublions tout le reste pour ne penser qu’à l’unique affaire de
notre salut ; elle seule doit en ce moment concentrer toutes les
affections et les pensées. »
Il se confesse. Il hésite quand Cléry lui propose de souper,
puis il mange de bon appétit, et s’en va dormir, sachant que l’abbé Edgeworth a
obtenu l’autorisation de célébrer la messe demain, au réveil que Louis a fixé à
cinq heures.
Il pourra communier. Et cet espoir le rassure.
Courte mais paisible nuit.
À six heures, alors que les tambours battent la générale, que
des
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