Révolution française Tome 1
journaux, ces pamphlets qui appellent au
châtiment des « aristocrates ».
On y dresse des listes de proscription, sous le titre La
Chasse aux bêtes puantes. On édite des estampes hideuses, Les Têtes
coupées et à couper pour en finir avec l’hydre aux 19 têtes.
Certains de ces pamphlets retranscrivent les prêches de l’abbé
Fauchet qui, en l’église Saint-Jacques de la Boucherie, a été jusqu’à dire :
« C’est l’aristocratie qui a crucifié le fils de Dieu. » Et l’abbé a
prononcé l’oraison funèbre des citoyens morts à la prise de la Bastille pour la
défense de la patrie.
Louis est fasciné, mais il n’éprouve du dégoût, et un
sentiment profond de mépris et d’humiliation aussi, qu’en parcourant les
quatre-vingt-onze pages, in-octavo, intitulées Essais historiques sur la vie
de Marie-Antoinette.
Propos graveleux qui, en ces jours de la fin juillet et du
début août 1789, où Louis se sent si proche de la reine, où il la côtoie, comme
un mari, où il la voit, mère aimante et courageuse, le révulsent.
Marie-Antoinette a su faire bonne figure à Necker, qui est
enfin arrivé à Versailles, le 29 juillet.
Il a refusé de devenir le ministre principal, se contentant
du poste de ministre des Finances.
« Il me semble que je vais entrer dans un gouffre »,
a-t-il dit, ajoutant : « Tout est relâché, tout est en proie aux
passions individuelles. »
Peut-on lui faire confiance ? Il a répondu à la reine
qui soulignait qu’il devait au roi son rappel, que « rien ne l’obligeait à
la reconnaissance, mais que son zèle pour le roi était un devoir de sa place ».
Il est populaire. La foule l’a acclamé, tout au long de son
voyage de retour.
Il a été courageux, lorsque, reçu à l’Hôtel de Ville de
Paris, il a plaidé en faveur de la libération du général baron de Besenval, et
demandé qu’on déclare l’amnistie.
Le comité des électeurs de Paris l’a approuvé, mais la foule
a protesté avec une telle violence, que le comité s’est rétracté. Cependant
Louis voit, dans la prise de position de Necker, dans l’approbation que les
électeurs lui ont manifestée, le signe que quelque chose change dans le pays.
Peut-être ceux qui lancent les appels au meurtre, qui
calomnient, qui exaltent la violence et la révolte, le refus des lois, qui
approuvent la jacquerie et entretiennent la Grande Peur, sont-ils allés trop
loin.
Louis se laisse, par instants, emporter par l’espoir que le
pire ait eu lieu, contrairement à ce que craignent ou espèrent ces journalistes,
ces orateurs du Palais-Royal, qui critiquent même l’Assemblée nationale.
L’un de ces journalistes, Marat, ancien médecin dans les
écuries du comte d’Artois, après avoir publié en Angleterre, et s’être présenté
comme physicien et philosophe, va jusqu’à écrire dans le journal qu’il vient de
lancer, L’Ami du peuple : « La faction des aristocrates a
toujours dominé dans l’Assemblée nationale et les députés du peuple ont
toujours suivi aveuglément les impulsions qu’elle leur donne. »
Mais ces violences, physiques et verbales, rencontrent pour
la première fois depuis des semaines une opposition.
Les villes se sont donné des milices bourgeoises.
En Bourgogne, la garde bourgeoise est intervenue contre des
bandes de paysans, près de Cluny. À Mâcon, on a condamné à mort vingt pillards.
À l’Assemblée, certains députés dénoncent à mi-voix les « canailles »,
les « sauvages », les « cannibales ». Et l’un d’eux, Salomon
– député du tiers état d’Orléans –, au nom de la nécessité de mettre fin à la
jacquerie demande une répression féroce contre les émeutiers.
Et l’Assemblée charge son comité de Constitution de lui
proposer les meilleurs moyens de rétablir l’ordre.
Le 4 août à la séance du soir, le député Target, avocat, élu
du tiers état de Paris, propose au nom de ce comité de voter un arrêté :
« L’Assemblée nationale considérant que, tandis qu’elle
est uniquement occupée d’affermir le bonheur du peuple sur les bases d’une
Constitution libre, les troubles et les violences qui affligent différentes
provinces répandent l’alarme dans les esprits et portent l’atteinte la plus
funeste aux droits sacrés de la propriété et de la sûreté des personnes…
« L’Assemblée déclare que les lois anciennes subsistent
et doivent être exécutées jusqu’à ce
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