Révolution française Tome 2
étouffé, dès
le principe, le noyau de contre-révolution dans les départements de l’Ouest et
du Midi ? »
« A-t-on puni les traîtres ? Non ! »
« Et nous sommes trahis partout, foutre ! »
On dit qu’un complot se trame pour faire évader la veuve
Capet. On a trouvé sur elle un billet, qu’un visiteur avait glissé dans un
œillet et auquel elle a répondu, en perçant à l’aide d’une aiguille un morceau
de papier, en écrivant ainsi qu’elle ne perdait pas espoir !
« Et les traîtres restent impunis, foutre ! Pas un
conspirateur n’a mis “la tête à la fenêtre” [dans la lunette de la guillotine],
n’a été raccourci. On n’a jugé jusqu’à présent que les valets et les maîtres se
sont échappés ! » On compte mille cinq cent quatre-vingt-dix-sept
détenus dans les prisons de Paris, et ces aristocrates corrompent leurs
gardiens, paient en numéraire le pain et les chapons, le vin et leur libération !
« À la fenêtre leur tête !
« Une misérable cuisinière s’est avisée de crier :
“Vive le Roi !” Le lendemain elle a été raccourcie, c’est bien fait, elle
le méritait, foutre ! Mais pourquoi, citoyens jugeurs, n’expédiez-vous pas
aussi promptement les grands scélérats ? Pourquoi cet infâme Brissot, le
plus cruel ennemi de la patrie, celui qui nous a mis aux prises avec toute l’Europe,
qui a causé la mort de plus d’un million d’hommes, qui avait la patte graissée
par tous les brigands couronnés pour mettre la France à feu et à sang, pourquoi
foutre, ce monstre vit-il encore ? »
On réclame la mort pour la veuve Capet, pour les députés girondins
proscrits, pour le général Custine, accusé de trahison, pour Barnave, le
Feuillant, pour le ci-devant Philippe Égalité, duc d’Orléans.
On veut que « la Sainte Guillotine aille grand train
tous les jours ». Et Hébert, qui conduit les sans-culottes, répète, commande :
« Législateurs, placez la Terreur à l’ordre du jour ! »
Et à la fin de cette journée du 5 septembre 1793, Barère, au
nom du Comité de salut public, monte à la tribune de la Convention et déclare, reprenant
mot à mot les exigences des sans-culottes et les propos d’Hébert :
« Plaçons la Terreur à l’ordre du jour, c’est ainsi que
disparaîtront en un instant et les royalistes et les modérés, et la tourbe
contre-révolutionnaire qui vous agite.
« Les royalistes veulent du sang ? Eh bien ils auront
celui des conspirateurs, des Brissot, des Marie-Antoinette. »
Et un proche d’Hébert, Vincent, l’un des principaux orateurs
du club des Cordeliers, chef de bureau au ministère de la Guerre, ajoute à la
liste des traîtres qui mettront « la tête à la fenêtre » le nom de
Danton.
« Cet homme sans cesse nous vante son patriotisme mais
nous ne serons jamais dupes de sa conduite. »
Qui n’est pas suspect aux yeux des sans-culottes conduits
par les Enragés et les « hébertistes » ?
Et ils ne se contentent pas de ces mesures que la Convention,
cédant à leur pression, à leur présence, à leurs cris, à leurs menaces, vient
de leur accorder : la rétribution, à raison de trois francs par jour, des
membres des Comités révolutionnaires, et l’épuration de ces Comités afin qu’ils
arrêtent sans délai les suspects ; la création d’une armée révolutionnaire
de six mille hommes et douze cents canonniers ou cavaliers pour « assurer
les subsistances de Paris, et épouvanter l’ennemi intérieur » qui pourrait
être tenté de faire un coup de force sur la ville.
Et la Convention décrète le maximum général des
salaires et des prix des denrées.
Car la disette n’a pas cessé de serrer les plus pauvres à la
gorge.
« L’affluence aux portes des boulangeries est toujours
la même. Elles sont assiégées nuit et jour. Tout s’y est néanmoins passé
aujourd’hui un peu plus paisiblement qu’hier à quelques coups de poing près
donnés par-ci par-là et fidèlement rendus. On y a même volé quelques pendants d’oreilles,
mais enfin personne n’a été ni tué, ni estropié et chacun a eu du pain tant bon
que mauvais… »
Mais cela ne suffit pas aux « sectionnaires »
enragés. Il faut, exigent-ils, frapper les suspects.
Ils s’indignent. Pendant ces quatre mois de l’été 1793, de
juin à septembre, le Tribunal révolutionnaire n’a jugé que deux cent deux
accusés, dont cent trente-neuf ont été
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