Révolution française Tome 2
crie :
« Ce que Marat disait était excellent ! Mais on ne
l’écoutait pas ! Faut-il donc être mort pour avoir raison ? Qu’on
place la Terreur à l’ordre du jour ! »
7.
En cette première semaine du mois de septembre 1793, le nom
et l’exemple de Marat sont sur les lèvres et dans les têtes des ouvriers du bâtiment,
et des fabriques d’armes, qui se rassemblent faubourg Saint-Antoine.
Les chaleurs d’un été torride étouffent encore Paris sous
une brume moite et fétide.
Un sans-culotte, bonnet rouge enfoncé jusqu’aux sourcils, sabre
au côté, est debout sur une borne.
Il agite un exemplaire du Père Duchesne, comme s’il s’agissait
d’un drapeau rouge annonçant l’émeute, la fusillade et le massacre.
Il tonne. Il dénonce les accapareurs, les agioteurs, les
gens suspects, les égoïstes, les hommes qui se sont enrichis depuis la
Révolution, les pillards de la République, quels que soient leurs masques.
Et pendant que ceux-là s’engraissent et complotent, les
citoyens, les patriotes ont faim.
Car les boulangers qui manquent de grain ne cuisent plus que
deux fournées par jour !
Il faut exiger le maximum des prix, se rendre à l’Hôtel de
Ville, à la Convention, imposer cette mesure.
Et Chaumette, le procureur de la Commune, est prêt à
soutenir les vœux des sans-culottes.
« Eh, moi aussi j’ai été pauvre, a-t-il répondu à une
députation, et par conséquent je sais ce que c’est que les pauvres.
C’est ici la guerre ouverte contre les pauvres ! Ils
veulent nous écraser, eh bien il faut les prévenir, il faut les écraser
nous-mêmes, nous avons la force en main ! »
On applaudit la déclaration de Chaumette.
On écoute le sans-culotte lire l’article d’Hébert. On l’interrompt
souvent pour l’approuver.
« Marat ! Je profiterai de tes leçons. Oui, foutre,
ombre chérie, je te jure de braver toujours les poignards et le poison et de
suivre toujours ton exemple. Guerre éternelle aux conspirateurs, aux intrigants,
aux fripons ! Voilà ma devise, foutre !
« Tiens ta parole, m’a dit le fantôme de Marat ! Oui,
foutre, je la maintiendrai, nous la maintiendrons ! »
Il vocifère, sort son sabre, gesticule, fend l’air de grands
coups de lame, vocifère encore.
« Pour les accapareurs, sangsues impitoyables, engraissées
de la substance du peuple, point de quartier, point de retard et de suite à la
guillotine ! »
« À la guillotine », reprend la foule.
« Pour les agioteurs : la guillotine.
« Pour les gens suspects, l’heure du lever du peuple
est celle de la mort : à la guillotine !
« Pour les égoïstes : voici le chemin des
frontières et de la défense de la patrie, ou celui de la place de la Révolution
où vous attend la guillotine !
« Et pour les fripons, la guillotine. »
« La guillotine ! La guillotine ! »
scande la foule.
À la Convention, au club des Jacobins, on ne veut pas, on ne
peut pas rompre avec le peuple des sans-culottes.
On sait qu’il se prépare pour le 5 septembre, avec Chaumette
et Jacques Roux, qui a été libéré de prison, avec Hébert et l’Enragé Leclerc, un
grand rassemblement devant la Convention.
Et comment l’Assemblée pourrait-elle résister à ces
sans-culottes qui vont se présenter et l’investir en armes ?
Robespierre à la tribune des Jacobins leur a déjà donné
raison :
« Le peuple réclame vengeance, elle est légitime. Et la
loi ne doit point la lui refuser ! »
Et Barère à la Convention a rappelé la situation de la
patrie. « Jamais l’armée n’a été en plus fâcheux état de désorganisation. »
Ce sont les mots mêmes de jeunes officiers sortis du rang, patriotes,
tels que Jourdan et Soult, Berthier, Bonaparte ou Carnot, membre du Comité de
salut public.
Et Barère poursuit :
« La République n’est plus qu’une grande ville assiégée…
Ce n’est pas assez d’avoir des hommes… Des armes, des armes et des subsistances !
C’est le cri du besoin ! Des armes, des manufactures de fusils et de
canons, voilà ce qu’il nous faut pendant dix ans ! »
Le 5 septembre, la foule envahit la Convention. Les députations
des sections se succèdent à la tribune, menacent ceux qui tardent à frapper
avec le couperet de la loi, interrogent brutalement les députés :
« A-t-on livré aux tribunaux révolutionnaires les
ministres perfides, les agents du pouvoir exécutif qui n’ont pas
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