Révolution française Tome 2
Errancis.
Fouquier-Tinville avait condamné Lucile Desmoulins pour
avoir participé à la « conspiration du Luxembourg », censée
rassembler les détenus afin qu’ils se soulèvent et brisent les portes des
prisons et assassinent leurs gardiens.
Mais qui pouvait croire à la réalité de ce complot ?
Parmi les dix-neuf condamnés à mort ce jour-là, il y avait, aux
côtés de Lucile Desmoulins, la veuve d’Hébert, l’ancien évêque de Paris Gobel, qui
avait renoncé à sa foi devant la Convention, et aussi Chaumette, le procureur
de la Commune.
Personne n’était à l’abri d’une accusation inventée de
toutes pièces. Si bien qu’on tuait chaque jour davantage.
Fouquier-Tinville avait demandé au nouveau président du
Tribunal révolutionnaire Dumas de « serrer la botte aux bavards », afin
que les inculpés ne puissent, comme avait tenté de le faire Danton, « insulter »
le Tribunal.
Qu’on les mette « hors des débats » comme la loi
désormais l’autorisait.
Et sur rapport de Couthon, le 10 juin, 22 prairial an II, la
Convention avait voté une nouvelle loi, retirant en fait toute garantie
judiciaire aux accusés.
Ils sont livrés au Tribunal pour être condamnés et non jugés !
« Le délai pour punir les ennemis de la patrie ne doit
être que le temps de les reconnaître… S’il existe des preuves soit matérielles,
soit morales, indépendamment de la preuve testimoniale, il ne sera point
entendu de témoin… La loi donne pour défenseurs aux patriotes calomniés des
jurés patriotes ; elle n’en accorde point aux conspirateurs. »
Ainsi, le Tribunal révolutionnaire n’a le choix qu’entre l’acquittement
et la mort.
« Il s’agit, dit Couthon, d’exterminer les implacables
satellites de la tyrannie ou de périr avec la République. »
Tout citoyen peut devenir suspect, donc accusé, donc
condamné à mort.
Il suffit « d’inspirer le découragement, de chercher à
dépraver les mœurs, à altérer la pureté et l’énergie des principes
révolutionnaires » pour devenir, malgré le vague de ces accusations, un
ennemi de la Révolution.
Maximilien Robespierre, par deux fois, intervient à la
tribune de la Convention, avec violence, exige que le vote soit unanime, pour
rejeter les amendements que les députés veulent introduire afin de protéger de
cette loi de Prairial, de cette loi de Grande Terreur, les membres de la
Convention.
Maximilien refuse tout ajournement, tout amendement.
« Je demande, dit-il de sa voix aigre, que la
Convention discute jusqu’à huit heures du soir s’il le faut. »
Et les conventionnels, paralysés, terrorisés, votent la loi
de mort.
Robespierre, en quelques phrases, a effacé les différences
politiques.
« La Montagne n’existe plus ! dit-il. Un
Montagnard n’est autre chose qu’un patriote pur, raisonnable et sublime. »
« Il ne peut y avoir que deux partis dans la Convention,
les bons et les méchants, les patriotes et les contre-révolutionnaires
hypocrites. »
Ce n’est plus au nom de la « politique » que l’on
tue, mais en invoquant la Vertu.
Ce ne sont pas des adversaires qui montent à l’échafaud, mais
des fripons, des hypocrites, des méchants.
Le couperet de la guillotine tranche les nuques au nom de la
Vertu.
Et Fouquier-Tinville jubile :
« Les têtes tombent comme des ardoises, dit-il, la
semaine prochaine j’en décalotterai trois ou quatre cents. »
Dans les prisons de Paris s’entassent désormais 7 321
détenus, et alors qu’en plus d’un an – du 6 avril 1793 au 10 juin 1794 – le
Tribunal révolutionnaire a prononcé 1251 condamnations à mort, en quarante-sept
jours, il envoie 1 376 têtes « éternuer dans le sac » !
On tue vingt-sept fermiers généraux, ces percepteurs honnis
des douanes intérieures d’Ancien Régime.
Et parmi eux, Lavoisier, le grand chimiste.
On tue Madame Élisabeth, sœur de Louis XVI.
Et ce sont là assassinats de vengeance.
On « purifie » ainsi la République.
Sur la proposition de Robespierre, on crée à Orange une
commission populaire pour juger les « fédéralistes », les « royalistes »
du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône. Elle prononce trois cent trente-deux
condamnations à mort.
C’est la Grande Terreur, mais Robespierre a fait décréter
par la Convention dès le 25 germinal an II (14 avril 1794) que le corps de
Jean-Jacques Rousseau serait placé au Panthéon.
Ainsi commence le
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